Notre photographe Yannick Parot craignait le pire quelques jours avant l’essai de cette Sport Classic. « Je ne vois pas comment une 911 Turbo dépossédée de ses roues avant motrices pourrait donner quelque chose de bien » s’inquiétait-il, alors que les 911 musclées des générations précédentes n’ont pas de secret pour lui. La première Sport Classic lancée en 2010 n’a pas laissé un souvenir mémorable. Au-delà du kit carrosserie spécifique inspiré des aînées à queue de canard, cette type 997 Carrera S atmosphérique maquillée et hors de prix ne présentait aucun intérêt sportif. De quoi accueillir avec une certaine réserve cette 992 dévoilée au printemps 2022, elle aussi équipée d’un aileron à la courbure aviaire et accompagnée d’une addition culottée.
La fiche technique attise tout de même la curiosité. Cette fois, elle n’a rien à voir avec une version existante de la vaste gamme 911. Cette Sport Classic reprend la carrosserie large des Turbo et Turbo S, mais aussi leur mécanique, à savoir le flat-6 biturbo 3,7 litres et non le 3 litres utilisé par toutes les Carrera. Sauf qu’ici, les torrents de couple inondent le seul train arrière. Sur le papier, elle s’assimile donc à une version extrême digne d’une GT2, d’autant qu’elle impose une boîte manuelle et qu’elle annonce 550 ch, soit 20 de plus qu’une 997 GT2 réputée pour son pilotage exigeant.
Bourrée de détails sympathiques, cette 911 conserve la philosophie et le confort des Carrera ou Turbo
Yannick Parot avait-il raison de se méfier ? En récupérant notre modèle d’essai, on est d’abord interpellé par le look. Comme pour la 992 Targa Heritage Design Edition, les gros numéros collés sur les portières peuvent disparaître en option gratuite, ainsi que les stickers « Porsche » latéraux mais pas les bandes heureusement mieux intégrées. On remarque aussi l’absence d’entrées d’air au niveau des ailes arrière typiques des Turbo, remplacées par des ouïes rejetées sur le capot arrière. Ou encore les jantes « Fuchs », d’un diamètre de 20 pouces à l’avant et de 21 pouces à l’arrière. Sacrée prestance cette Turbo recuisinée, qui en remet une louche à l’intérieur, délicieusement excentrique. La Sport Classic se paye une sellerie furieusement rétro avec une finition bicolore cuir / pied-de-poule « Pepita » façon 911 de 1965, confectionnée par le département Exclusive Manufaktur. Bourrée de détails sympathiques, cette 911 Sport Classic conserve tous les éléments de confort d’une 911 Carrera ou d’une Turbo, avec une liste d’options moins fournie.
GT dans l’âme
Au démarrage, le flat-6 avec ses bruits de quincaillerie à l’arrêt et à basse vitesse diffère en rien d’une Carrera ou d’une Turbo. La boîte manuelle à sept rapports, identique à celle proposée en option gratuite sur les Carrera T, S et GTS, bénéficie d’une commande douce au quotidien. L’amortissement piloté, confortable mais plus ferme que celui d’une R8, évoque également les versions classiques. Le train arrière remue un peu sur le gras mouillé, mais dans l’ensemble cette Sport Classic reste une excellente GT. Au fil des kilomètres, elle dévoile ses talents. Porsche n’a pas simplement déconnecté un essieu pour sortir une énième série spéciale à prix fort. Le 3,7 litres revendique ici 550 ch au lieu de 580 ch dans la Turbo mais surtout, il ne dépasse pas les 61,2 mkg au lieu de 76,5 mkg pour la Turbo. Ce couple maxi s’obtient entre 2 000 et 6 000 tr/mn, au lieu d’une plage comprise entre 2 250 et 4 500 tr/mn. Entre la force et la plage d’utilisation, la mécanique se rapproche plus du flat-6 d’une 911 GTS (58,1 mkg entre 2 300 et 5 000 tr/mn) que d’une Turbo. La belle motricité sur le sec invite tout de suite à augmenter le rythme.
Les sensations mécaniques font vraiment penser à une 911 GTS dopée plutôt qu’à une violente Turbo
Les sensations mécaniques font vraiment penser à une 911 GTS dopée plutôt qu’à une violente Turbo. Le 3,7 litres un brin dégonflé paraît plus linéaire et moins explosif. Aidée par la suppression d’isolants, la bande-son est généreuse en décibels et se rapproche de celle de la GTS. Autre bonne surprise, le maniement de la boîte à sept rapports contribue largement au plaisir. Facile et instinctive, elle fait meilleure impression que celle des Carrera S/GTS, alors qu’elle dispose des mêmes composants et d’un étagement identique. Précisons qu’entre les insonorisants, la boîte manuelle et la propulsion, la Sport Classic gagnerait 70 kg par rapport à une Turbo imposant la PDK et la transmission intégrale. Outre l’antiroulis actif et l’amortissement piloté de série, la liste des équipements inclut un launch control très efficace avec le pack Sport Chrono, catapultant la bête sans ambages au lâcher d’embrayage avec un régime calé à 4 000 tr/mn et un soupçon de patinage. Les mises en vitesse égalent celle d’une 911 GT3 à boîte manuelle et on prend plaisir à mener cette mécanique dans ses retranchements. Le rupteur se situe toutefois moins haut que celui d’une Carrera et intervient à 7 200 tr/mn, comme dans une Turbo. Le double débrayage automatique – désactivable -, l’attaque franche des gros freins carbone/céramique (de série), le mordant du train avant assisté par les roues arrière directrices et la surprenante progressivité du moteur poussent à désactiver totalement les aides pour voir comment cette Sport Classic se comporte. Une fois l’ESP et l’antipatinage coupés, la confiance au volant ne faiblit pas et le train arrière ne devient jamais délicat en gardant un pilotage académique. On prend tellement de plaisir qu’on a envie de la malmener sur circuit ! Porsche France s’y oppose pour le moment, étant donné son statut de collector.
Production limitée
Abordons le seul véritable défaut de cette Sport Classic : le tarif ! Il s’agit de loin de la version la plus chère de toute la gamme 911. Elle coûte 85 000 € de plus qu’une 911 Turbo et même 135 000 € de plus qu’une 911 GTS ! Même la décalée Dakar n’ose pas aller si loin : 226 689 €. Malgré la jolie présentation, la mise au point soigneuse et un équipement généreux par rapport aux autres 911, ce tarif lié à l’exclusivité des 1 250 exemplaires n’a aucune justification technique. Une Turbo S de 650 ch affiche des performances bien plus vertigineuses pour 50 000 € de moins. Quant à la GT3 Touring à boîte manuelle, vendue 100 000 € de moins, elle fera davantage frissonner les amateurs du pilotage à l’ancienne. Il subsiste pourtant quelque chose d’excitant dans cette GT2 des temps modernes, à la docilité et à la finesse inespérées. Au vu de la cote actuelle des 911 les plus rares, cette Sport Classic restera quoi qu’il en soit un bon investissement.