L’histoire
Un anniversaire marquant est une belle excuse pour faire un grand cadeau. La S/T est le présent conçu par Porsche pour célébrer le 60e anniversaire de la 911 et pour satisfaire les fans de la 911. Mais il s’agit toutefois d’un cadeau coûteux, qui ne plaira pas à tout le monde et qui surtout, ne sera pas accessible à tout le monde. Même ceux qui la veulent. En effet, en référence à l’année de naissance de la 911, seulement 1963 voitures seront construites dans le monde entier. En France, son prix est de 308 976 euros (avant options).
Son nom est repris de la Porsche 911 S/T de première génération, une version de la 911 dotée d’un pack course vendu de 1969 à 1972. L’ensemble combinait le moteur de la 911 S (la plus grosse de l’époque) avec des pièces de la 911 T (la plus légère de l’époque), ainsi que des vitres en plexiglas et des panneaux de carrosserie allégés. Plusieurs 911 équipées du pack S/T ont participé à des courses sur circuit, des rallyes et des courses de côte. La 911 S/T était, à bien des égards, le précurseur de la Carrera RS de 2,7 litres, devenue aujourd’hui un mythe.
La nouvelle Porsche 911 S/T a une philosophie assez similaire : elle prend pour base la 911 GT3 Touring, relativement légère et dépourvue d’ailerons, et y ajoute le moteur de la nouvelle 911 GT3 RS. Cependant, fait inédit, elle l’associe à une boîte de vitesses manuelle. Avec ses 1380 kg, il s’agit de la 911 Type 992 la plus légère (à sec, cela donne 1270 kg) car elle est environ 38 kg plus légère qu’une 911 GT3 Touring à boîte manuelle dans sa version la plus légère possible.
Conçue pour la route
Contrairement à la S/T originale, cependant, elle n’est pas destinée à aller sur circuit. Elle est conçue pour être amusante à des vitesses routières et Porsche n’a pas l’intention d’enregistrer un chrono sur le Nürburgring (même si selon certains, elle a signé des temps fulgurants sur les circuits visités au cours de son développement).
« C’est un monstre conçu uniquement pour la route« , explique Andreas Preuninger, responsable des Porsche GT. « Je ne veux pas voir cette voiture sur un circuit, parce qu’elle n’y a pas sa place. Ce n’est pas une RS, ni une GT3 avec un aileron. Sur le Nürburgring, je n’ai pas la moindre idée de sa rapidité. »
Comme la 911 GT3 classique, la S/T utilise la carrosserie standard de la 992 (la 911 GT3 RS et la 911 Sport Classic utilisent la carrosserie légèrement plus large de la 911 Turbo), mais son moteur atmosphérique est le même que celui de la GT3 RS à aérodynamique active, imaginée pour la piste. Il développe 15 ch de plus que le moteur de la GT3 classique, avec des cames modifiées et une culasse de conception différente, pour une puissance totale de 525 ch. Il conserve la même zone rouge fixée à 9 000 tr/min.
La vitesse de pointe est limitée à 300 km/h, d’une part en raison de l’absence de roues arrière directrices qui améliorent la stabilité, et d’autre part en raison de l’absence d’un grand aileron arrière fixe (bien qu’il y ait une nouvelle baguette en travers de la croupe de la 911, attachée à l’aileron escamotable comme sur la GT3 Touring, qui se déploie automatiquement à 120 km/h, ou manuellement en pressant un bouton sur le tableau de bord).
Une boîte manuelle, un châssis et une suspension spécifiques
C’est la première fois que le moteur de la GT3 RS est associé à une boîte manuelle. Cette transmission à six rapports a été raccourcie d’environ 8 % par rapport à celle de la 911 GT3, et ce sur l’ensemble des rapports. Le changement le plus important concerne l’embrayage. L’embrayage allégé et le volant moteur monomasse sont propres à la S/T, réduisant les masses en rotation de 10,5 kg (et comme il s’agit de masse en mouvement, il s’agit d’un véritable cercle vertueux). L’embrayage plus petit pèse environ la moitié du poids de celui d’une GT3 Touring normale et son inertie serait réduite de deux tiers. Le différentiel a également été modifié, avec différents réglages de blocage, en charge ou à la décélération.
Autre changement, la suppression des roues arrière directrices : cela permet d’économiser 7 kg et d’installer une batterie plus petite et plus légère, puisque la demande en énergie électrique est alors réduite. Outre les raisons diététiques, cela souligne l’objectif de pureté que poursuit la S/T : pas de grand aileron, pas de PDK, pas de turbocompresseur, pas de roues arrière directrices.
Les amortisseurs restent toutefois pilotés électroniquement ; en fait, la S/T utilise exactement les mêmes ressorts et amortisseurs que la GT3 Touring, mais le logiciel a été entièrement retravaillé. Porsche affirme qu’un ingénieur châssis de haut niveau a passé 12 mois à peaufiner le logiciel PASM (Porsche Active Suspension Management) pour la S/T. Si c’est le cas, cela montre la liberté (et le budget) dont jouit Porsche et sa division GT, ainsi que le dévouement dont cette voiture a fait l’objet.
Beaucoup plus polyvalente que la GT3 RS
Comme sur la 911 GT3, il s’agit d’une suspension à double triangulation à l’avant (avec les triangles aérodynamiques de la RS) et d’un système multibras à l’arrière. La S/T n’utilise pas le même radiateur central que la RS, ce qui lui permet de disposer d’un compartiment à bagages avant de taille normale.
Toutes les voitures sont équipées de cadrans verts, comme les premières 911 ou la récente édition Sport Classic. Il existe un Pack Héritage en option (coût de 17 652 euros) qui remplace les écussons Porsche par un design inspiré des années 60, les écussons S/T par des écussons dorés et qui habille l’intérieur avec des garnitures uniques, le pavillon, la carrosserie et les roues dans des couleurs de peinture spéciales. Les sièges baquets en Plastique Renforcé de Fibres de Carbone sont de série, mais les sièges sport à réglage quadridirectionnel des autres modèles de la gamme 911 sont une option gratuite.
Sur la route
Au départ à basse vitesse, l’amortissement semble résolument ferme, tant en mode standard qu’en mode Sport (accessible via le même commutateur au tableau de bord ou le même menu à l’écran tactile que pour la 911 normale). C’est toutefois remarquablement bien contrôlé. C’est encore plus vrai à vitesse élevée.
Nous testons la S/T dans le sud de l’Italie, sur les routes vallonnées et parsemées d’épingles (et de nids-de-poule) qui ont été utilisées lors du processus d’homologation final de la voiture. La Fiat Panda 4×4 classique est la voiture de prédilection des habitants de la région, cela vous donne une idée de l’état des routes.
Il n’y a pas de différence marquée entre le mode d’amortissement standard et le mode Sport, à peine plus ferme (« En fait, nous aurions probablement dû donner un nom différent au mode « Sport« , rumine Preuninger) ; ce n’est pas une voiture où l’on appuie sur un bouton et où l’on ressent un changement exagéré, juste pour faire bien. Preuninger dit que sur les routes bosselées, la motricité peut être améliorée en sélectionnant Sport, parce que le rebond plus contrôlé permet de garder les pneus arrière en contact avec le bitume. La S/T n’est pas non plus trop perturbée par les bosses en plein virage, et il y en a pas mal par ici.
Une direction très spéciale
Plus que la suspension, c’est la direction qui se distingue immédiatement. Elle a été recalibrée avec une démultiplication différente, en raison de l’absence de roues arrière directrices, et elle est très directe. Même dans les épingles, vous n’avez pas nécessairement besoin de bouger les mains d’un quart de tour à l’autre. Malgré sa réactivité, elle n’est pas trop sensible, et réussit à filtrer le relief défoncé de ces routes, sans perdre en retour d’informations. Preuninger affirme que la référence pour la sensation et la réponse de la direction de la S/T a été la 911 GT3 RS 4.0 de la génération 997.
Tout cela s’accompagne d’un énorme grip à l’avant. Nous roulons en Michelin Cup 2 par une chaude journée ensoleillée mais, malgré cela, je dirais qu’il s’agit du train avant le plus réactif de toutes les 911 que j’ai conduites sur route. C’est remarquable.
La S/T est équipée de série des freins Porsche Carbon Composite Brakes (PCCB), qui offrent un bon retour d’information dès les premiers centimètres, ce qui n’est pas toujours le cas des freins en céramique. Ils contribuent à l’allègement global de la voiture, tout comme le verre plus fin et le PRFC utilisé pour le toit, les portes (les mêmes que celles de la GT3 RS, avec les canaux aérodynamiques intégrés), les ailes avant (conçues sur mesure pour la 911 S/T, sans les évents de la RS) et la barre antiroulis arrière, entre autres composants. Le demi-arceau de sécurité optionnel (4596 euros) est également en PRFC. La S/T roule sur des jantes en magnésium à blocage central (celles de la GT3 RS avec le Pack Weissach en option) qui contribuent également à garantir la finesse du contrôle de caisse à vitesse élevée.
Un moteur aérien
En plus de la direction, l’autre grande particularité vient de l’effet du volant moteur allégé. Non seulement le régime augmente rapidement lorsque vous appuyez sur la pédale d’accélérateur, mais il diminue immédiatement lorsque vous la relevez. C’est quasiment comme un interrupteur. On laisse facilement le régime descendre au ralenti avant de lever l’embrayage pour monter les rapports, ce qui se traduit par un changement de vitesse un peu saccadé. Et il en va de même pour les rétrogradages. La réponse ultra vive du moteur fait que si vous ne manoeuvrez pas le levier assez rapidement, le régime aura chuté à nouveau au moment où la pédale d’embrayage se lève. Cela demande de la pratique et de la concentration, mais la satisfaction d’un changement de vitesse parfait est immense. Pour les autres, vous disposez d’un système d’adaptation automatique du régime à l’accélérateur que vous pouvez activer d’une simple pression sur l’écran tactile. Il s’occupe alors de tout si vous avez envie de faire une pause.
La boîte semble brute de fonderie; au ralenti, on entend un bruit d’embrayage prononcé, un peu comme sur les vieilles 911. À l’instar de quelques anciennes Porsche de légende, le moteur et la boîte sonnent à bas régime comme un tiroir à couverts doucement secoué avant de se transformer à haut régime en un cri rauque qui donne la chair de poule. Cela rappelle le moteur Mezger de la 996 GT3 originale.
Pousser jusqu’à 9000 tr/min demande en fait un peu de volonté et d’espace, tant l’intensité est grande. La démultiplication plus courte permet d’exploiter davantage l’intégralité de la plage de régime du moteur et confère à la S/T un sentiment de vélocité supérieur à celui de la GT3. En fait, elle est impressionnante à partir du mi-régime : puis c’est au-dessus de 3 000 tr/min que le moteur commence à pousser fort, et enfin, il prend son troisième souffle vers 6 000 tr/min. C’est alors que l’expérience devient vraiment intense. Il en va de même pour la S/T dans son ensemble. C’est à se demander comment cette voiture a pu naître en 2023.
Des inconvénients ? Elle est très imposante sur la route, mais c’est le cas de toutes les 911 Type 992. Comme toutes les 911 GT3, il n’y a pas de sièges arrière, ce qui signifie que vous ne pouvez pas emmener votre famille avec vous. Et l’intensité permanente de la conduite pourrait en rebuter plus d’un. Mais elle rendra la 911 S/T irrésistible pour d’autres. Et puis, il y a le prix de 308 976 euros et la disponibilité limitée qui font que les chances d’en posséder une sont extrêmement réduites.