Où et quand ?
Mi-novembre, McLaren a convié la presse internationale au Portugal pour jauger le coupé et le Spider sur le circuit d’Estoril et aux alentours sur une courte boucle. Le thermomètre oscillait entre 8 et 15° sur des routes sèches. Les essais se sont déroulés sur une journée, partagée entre la route en matinée et le circuit l’après-midi, divisé en trois sessions.
Le pitch
Avant de passer à l’hybride – sur base de V8 Ricardo -, McLaren fait évoluer en douceur sa supersportive. Il annonce 30 % de nouveaux composants par rapport à la 720S, un poids en légère baisse (-30 kg en tenant compte des baquets à coque carbone optionnels) et une puissance portée à 750 ch, comme son nom l’indique. Une sorte de best-of, voulant conserver la polyvalence d’une 720S tout en offrant la force et les performances de l’ex-monstre 765LT.
Premier regard
Euh, il s’agit vraiment d’un nouveau modèle ? C’est le principal défaut de cette évolution, trop proche sur le plan esthétique de la 720S. McLaren se défend en invoquant le succès de cette dernière et de la volonté des clients de conserver ses lignes. Nous pensons plutôt qu’il s’agit de la fin du cycle thermique et que le constructeur minimise les coûts en vue de la révolution hybride déboulant probablement en 2026. De face, il est difficile de distinguer la 750S de son aînée. Il faut se concentrer sur le bas du bouclier et la lame plus prononcée. Cette dernière, conjuguée à l’élargissement de l’aileron actif (+ 20 %), permet d’accroître l’appui aéro (+ 5 %). La 750S se détache un peu plus de l’arrière, en se focalisant sur l’échappement (central désormais) et les écopes latérales du bouclier (inexistantes auparavant). Bref, il s’agit du jeu des 7 erreurs !
À bord, l’ambiance reste très épurée et le volant exempt de touches agaçantes… Alléluia. Il est désormais surmonté des satellites solidaires de la colonne, permettant d’ajuster le « Powertrain » d’un côté et le « Handling » de l’autre. Les baquets à coque carbone optionnels (-17,5 kg, 7 940 €) permettent de faire corps avec cette sportive et d’en ressentir toutes les vibrations. En sus, ils ne sont pas inconfortables. McLaren a également réagencé l’écran central et l’interface multimédia, plus intuitive et lisible. Plus bas, sur le tunnel suspendu, on retrouve le bouton de démarrage, les commandes de boîte et, sur le Spider, les deux boutons magiques permettant de manier le toit (électrochromatique à 9 520 €) en 11’’0 ou la lunette arrière indépendamment. Pourquoi magiques ? Parce qu’ils permettent de communier avec l’échappement et vous feront perdre la boule !
Le râleur, il dit quoi ?
Le design se rapproche trop de l’aînée 720S et on a du mal à les distinguer.
Les chiffres (et quelques lettres)
Ils se résument en trois chiffres associés à trois mots débutant par la lettre « P » : puissance de 750 ch, poids de 1 389 kg et performances ahurissantes avec un 0 à 100 km/h annoncé en 2’’8 ! Sans surprise, nous retrouvons le V8 4 litres biturbo Ricardo à vilebrequin plat et carter sec, installé en position centrale arrière et qui peut se contempler sur le coupé (6 310 €). Il bénéficie des pistons allégés de la 765LT, d’un échappement central (acier, -2,2 kg), d’un calibrage spécifique, de supports réajustés en vue d’une meilleure connexion à la route et d’une pression relevée des turbos par rapport à la 720S pour atteindre la puissance effarante de 750 ch. Pour mémoire, en omettant l’hybridation, le V8 de la supercar P1 délivrait à lui seul 737 ch. Et cette puissance vous marquera au fer rouge dès la première accélération, en vous faisant lever le pied avant le rupteur tant la rage de ce bloc est phénoménale. En reprenant vos esprits, vous vous rendez compte qu’il sait être doux sous 3 000 tr/mn, avant que les turbos se déchaînent à 4 000 tr/mn et que la tempête s’abatte jusqu’à 8 500 tr/mn dans un souffle d’échappement tirant vers les aigus (étouffé à bord du coupé). L’expérience devient glaçante à bord du Spider, qui connecte sans filtre à l’échappement : moto à bas régime, cri perçant dans les tours. Sur ce point, on retrouve le côté psychédélique de la 765LT et les mêmes intonations à bord des Spider respectifs.
Si cette 750S ne va pas aussi loin que l’ex-LT en réglages de suspension et allègement, elle fait l’effort de mincir de 30 kg : jantes, combinés d’instrumentation, parebrise, suspension, aileron, échappement… Mais ce régime tient compte des baquets optionnels à coque carbone issus de la Senna ! Tout cela pour arriver une masse miraculeuse de 1 389 kg pour le coupé et de 1 438 kg pour le Spider alourdi par le mécanisme du toit, la refonte de la partie supérieure de la cellule centrale en carbone et le système antiretournement. Avec un tel rapport poids/puissance, McLaren annonce le même 0 à 100 km/h que la 765LT (2’’8), devançant de justesse la 296 GTB (+0’’1). Sur le 0 à 200 km/h, le coupé conserverait ce maigre avantage sur l’Italienne et serait devancé de seulement 0’’2 par la turbulente aînée LT. Bref, ça décoiffe (voir vidéo ci-dessous) et cette 750S incarne un tel pétard qu’elle oblige à revoir ses repères, à regarder très très très loin devant.
Le truc en plus
Si l’on s’en tient à ce modèle précisément, la 750S a le mérite de proposer un niveau de performances hallucinant, tout en préservant la polyvalence. Grâce au système de suspension supprimant les barres antiroulis en connectant les amortisseurs pilotés (Tenneco), elle reste confortable au quotidien et mordante sur demande. Elle se démarque également de la concurrence par son feeling, propre à McLaren, en conservant une assistance de direction électrohydraulique. Il en ressort une lecture transparente de la route et des vibrations sportives qui remontent aussi au travers de la coque carbone et des baquets. Unique dans la catégorie ! L’ergonomie épurée et l’excellente visibilité tranchent également avec la concurrence. Cela contribue à faciliter la prise en mains, qui surprend de la part d’une supersportive de 750 ch. Le sentiment de légèreté, les réactions progressives et l’excellent feeling procure une réelle sérénité… Alors qu’un volcan peut à tout moment entrer en éruption dans votre dos. Comme toute McLaren, la 750S conserve aussi un côté spectaculaire/supercar à chaque ouverture de porte : l’ouverture en élytre !
Le bienheureux, il dit quoi ?
La légèreté a du bon et elle est miraculeuse à ce niveau ! Il en ressort un véritable pétard qui met en confiance et régale par son feeling très pur.
Sur la route
Nous avons eu le privilège de réaliser une boucle routière autour du circuit d’Estoril avec les deux carrosseries tour à tour, en bénéficiant des mêmes conditions climatiques et de pneus équivalents (PZero dédiés). Les deux variantes se rejoignent par leur capacité à rendre accessible un monstre de 750 ch. À un rythme de croisière, elles se conduisent en souplesse et absorbent en douceur les pièges de la route, en gardant le mode automatique ou Comfort de la suspension (Handling). Le Spider ajoute évidemment le plaisir de rouler cheveux aux vents, en prise directe avec l’échappement et sans être perturbé par les turbulences en levant la lunette. En passant d’une carrosserie à l’autre (une première !), on se rend compte qu’une fois le toit abaissé, la différence de rigidité se matérialise par de légères vibrations dans le volant du Spider. En relevant le rythme (très rapidement), on se rend compte que les placements sont un peu moins vifs que ceux du coupé… Mais les Pirelli étaient sans doute moins frais sur le Spider. Dans tous les cas, la sensation de légèreté et l’excellent équilibre font enchaîner les virages avec l’aisance d’une ballerine… qui cache un ogive nucléaire dans son dos ! Difficile d’exploiter une telle arme sur route ouverte. Il est temps de regagner le circuit.
Sur la piste
Le tracé à la fois rapide (près de 280 km/h en bout de ligne droite) et piégeur (longues courbes, S) d’Estoril promet un corps à corps endiablé avec un coupé équipé de Trofeo R, de baquets allégés et de freins carbone/céramique issus de la Senna (très longs à fabriquer et plus résistants). Le grip global s’en ressent, comme les vibrations remontant au travers des baquets. En verrouillant la suspension, on jauge rapidement le regain de mordant et l’absence de mouvements parasites au placement par rapport à la 720S. Précisons que la voie avant s’élargit de 6 mm, que la géométrie des trains est spécifique, comme les ressorts ou les réglages des amortisseurs pilotés. On sent l’avant plus hargneux, sans aller jusqu’au tranchant d’une LT, et moins léger que celui d’une 296. Nul besoin de roues arrière directrices pour pivoter gentiment avant de s’extraire avec plus ou moins de panache. McLaren propose toujours de moduler le survirage via le Variable Drift Control et un choix de 15 angles disponible en mode Dynamic (intermédiaire) du correcteur de trajectoire. L’électronique veille au grain et autorise déjà de belles glisses. Mais les aides peuvent être remerciées, obligeant à doser subtilement les gaz. L’équilibre reste facile à appréhender et les réactions progressives malgré les semi-slicks. La boîte à double embrayage, elle, gagne en férocité par rapport à celle de la 720S avec des changements plus rapides et un pont raccourci. Elle régale en Track et soigne le spectacle à la montée et à la descente des rapports (détonations). Elle contribue au niveau élevé d’engagement et de confiance lors des placements, juste après avoir écrasé les freins et aperçu l’aileron se dresser dans le rétro (aérofrein) tout en profitant de la stabilité à haute vitesse. La 750S adopte un nouveau servo-frein limitant l’effort à la pédale, colossal par le passé. Effectivement, la force nécessaire diminue mais le mordant du système carbone/céramique de série reste variable et peut dérouter. Le système optionnel testé sur piste semble diminuer cette assistance et l’on retrouve le toucher d’avant, obligeant à taper généreusement dans la pédale comme en course. Au moins, le répondant a le mérite d’être constant, mais ces disques réclament 18 790 € supplémentaires !
Les tarifs, la concurrence
Le coupé démarre à 282 400 € et le Spider à 310 700 €, auquel il faudra ajouter en 2024 le supermalus de 60 000 €. Cela peut paraître colossal, mais l’addition reste cohérente et se calque sur celle des 296 GTB et GTS… Enfin si l’on exclut le malus, très faible sur ces hybrides. Cette supersportive légère aux performances dignes d’une supercar et offrant une réelle polyvalence la classe à part sur le marché. Elle incarne une sorte de Lotus surpuissante, bien suspendue et très pure. Les Huracán STO, MC20, 911 Turbo S et Corvette Z06 ne peuvent lutter en accélérations. Les temps au tour, eux, devraient la placer dans le haut du panier, dans le sillage d’une 765LT… Donc dans le top 15 du classement Motorsport à Magny-Cours.