» Giorgio Sport. » Voilà comment les ingénieurs surnomment cette nouvelle plateforme, dérivé lointain de la Giorgio équipant les Alfa Romeo Giulia et Stelvio mais aussi le SUV Grecale. Composée à 65 % d’aluminium, cette structure dont le développement a débuté en 2017 possède un tunnel de transmission dimensionné pour accueillir aussi bien un arbre classique (ainsi que l’ensemble moteur/boîte allant avec) qu’un rack de batteries. Maserati arrive ainsi à proposer deux versions mécaniquement opposées de la GranTurismo, repositionnant la marque au trident sur le segment des grandes GT 2+2 face à la Continental GT, la DB11, la M8 Coupé moins exclusive ou la Roma davantage focalisée sur le sport. Difficile pourtant d’imaginer que nous avons affaire à une nouvelle auto tant son style extérieur reste proche des codes de l’ancienne mouture commercialisée entre 2007 et 2017. Loin de nous l’idée de s’en plaindre puisqu’on parle d’une GT à la robe somptueuse malgré son absence d’audace. Visuellement très compacte, elle dépasse ses concurrentes en longueur et profite d’une habitabilité surprenante aux places arrière tout en offrant un bon volume de coffre. La finition fait aussi honneur à son rang, malgré quelques détails pingres comme l’horloge numérique au-dessus de la planche de bord ou quelques pièces de plastique visibles entre les très beaux cuirs et les pièces en métal. Le « tout numérique » est désormais de rigueur, avec une interface efficace et une bonne ergonomie générale.
Sur route, la Trofeo peut se montrer plus Excitante à piloter qu’une Continental GT
Un Nettuno adouci
Dès les premiers tours de roue, les qualités de voyageuse se confirment. Équipé d’un carter humide au lieu du carter sec de la MC20, le V6 biturbo 3 litres « Nettuno » inauguré par la supersportive s’accouple à une douce boîte automatique ZF à huit rapports au lieu de la double embrayage. Disposant d’une cartographie différente, il délivre 550 ch et 650 Nm sous le capot de la Trofeo formant le haut de gamme thermique (contre 630 ch sur la MC20). Adoptant les mêmes éléments mécaniques (moteur, freins) mais un bloc dégonflé électroniquement à 490 ch et 600 Nm, l’entrée de gamme Modena possède un différentiel arrière mécanique et non piloté. Les deux versions utilisent une transmission intégrale. Sur l’autoroute italienne au revêtement moyennement bon, la GranTurismo met en avant d’emblée un niveau de confort supérieur à l’Aston Martin DB11. Presque silencieuse en mode « Comfort » avec un V6 qui désactive la moitié de ses cylindres à faible charge, elle n’offre toutefois pas l’effet « tapis volant » d’une Rolls-Royce Wraith ou d’une Bentley mais reste beaucoup plus filtrée qu’une 911.
En mode Corsa, le V6 devient plus présent. Loin des sublimes vocalises rauques du V8 de l’ancienne mouture, il sonne comme dans la MC20 avec un timbre guttural (proche de celui d’une McLaren Artura ou d’une Ford GT). Comme dans une composition de Jul, sa voix mise hélas sur un remix artificiel, via les haut-parleurs de la voiture. Désolé pour la référence. La poussée se conforme quoi qu’il en soit aux promesses du constructeur avec un 0 à 100 km/h annoncé en 3’’5. Quant au mode manuel de la boîte, il profite d’une excellente réactivité via les grosses palettes métalliques très agréables à utiliser.
Cette première prise en main se déroule entre Rome et le circuit de Vallelunga dans des conditions hivernales. Malgré la présence des pneus hiver et une météo défavorable, on expérimente l’excellente motricité et un amortissement rigoureux sur chaussée ultra-bosselée. L’attaque de la pédale de freins un peu molle n’empêche d’acquérir rapidement de la confiance, comme la direction bien réglée pour une conduite sportive. La Trofeo s’apparente à une DB11 sans les roues qui décollent sur les grosses ondulations ni le train arrière parfois vicieux qui va avec. Authentique GT, la Maserati se révèle plus excitante à piloter qu’une Continental GT même si cette dernière sait faire preuve d’une efficacité remarquable. L’addition fait d’ailleurs aussi mal que celle de l’Anglaise, avec un prix de base fixé à 181 350 € pour la Modena et à 225 650 € pour la Trofeo. Par rapport à son aînée abordable, la nouvelle boxe donc dans une autre catégorie.
Prêt pour l’électrique
Dans sa version Folgore, la GranTurismo remplace le V6 et le tunnel de transmission par des batteries de 92,5 kWh fonctionnant avec une architecture à 800 V, installées au niveau du tunnel comme sur une Venturi Fetish (2006). Avec un moteur à aimants permanents entraînant les roues avant et deux autres blocs connectés chacun à une roue arrière, la version « zéro émission » possède elle aussi une transmission intégrale avec une fonction torque vectoring sur l’arrière. Maserati annonce une puissance maxi théorique de 1 200 ch, limitée à 760 ch et 1 350 Nm par la batterie. Elle grimpe ponctuellement à 830 ch via la fonction « boost », comme sur les Porsche Taycan.
À cause des grosses batteries, la masse grimpe à 2 260 kg au lieu de 1 795 kg pour la variante thermique. Point de roulage sur route pour ce prototype en phase finale de développement. Nous pouvons seulement l’essayer sur une poignée de tours du circuit de Vallelunga, spécialement aménagé de chicanes supplémentaires dans les lignes droites sans doute pour éviter de décharger les batteries et de surchauffer les freins. L’intensité des catapultages en ligne droite (0 à 100 km/h annoncé en 2’’7 et 0 à 200 en 8’’8) rappelle une Taycan Turbo S et laisse la Trofeo thermique loin derrière.
Malgré l’absence de roues arrière directrices, la Folgore fait preuve d’une bonne agilité pour une grosse GT. Aussi lourde qu’une Continental GT Speed, elle accepte de pivoter au lever de pied et met à profit sa fonction torque vectoring pour lutter contre le sous-virage… À condition de ne pas trop tirer sur le train avant, naturellement. Quant au train arrière, il accepte les prises d’angle généreuses en sortie de courbe, en recevant jusqu’à 100 % de la puissance en mode Corsa selon les conditions. Il faut en revanche composer avec une pédale de freins molle et une efficacité limitée dans le temps.
Même si les pilotes maison laissent entendre que la Folgore bat la Trofeo sur un tour chrono, ils concèdent une rapide baisse des performances en raison de la chauffe de la batterie. Certes, se retrouver en piste avec une telle GT paraît incongru dans l’absolu, y compris avec une GranTurismo thermique. Reste donc à vérifier ce que vaut la Folgore sur route, elle qui promet 450 km d’autonomie et une recharge de 20 à 80 % en 18 minutes. Sur la piste en tout cas, cette autonomie tombait sous les 100 km de manière quasi instantanée.
Fiche technique Folgore :
Moteur : 3 électriques, 830 ch, 1350 Nm
Transmission : intégrale, boîte à 1 rapport (prise directe)
Poids annoncé : 2260 kg
Performances annoncées : 0 à 100 km/h en 2”7, 0 à 200 km/h en 8”8, 320 km/h
Prix : environ 225 000 €