
Parler des tendances automobiles actuelles sans tenir le discours d’un vieux réac’ aigri relève vraiment de la gageure. On passe notre temps à s’extasier devant les plus belles voitures de sport de la planète, mais la clientèle financièrement capable d’acheter ce genre de voitures se rue chaque jour un peu plus vers les SUV. L’Urus lancé en 2018 a explosé depuis longtemps le record absolu des ventes de Lamborghini et propose désormais une variante des plus extrêmes !
Un SUV extrême encore plus extrême
Si on écoute Lamborghini, l’Urus Performante reprend la même recette de base que les autres versions « Performante » commercialisées dans la gamme il y a quelques années : un aérodynamisme plus radical, une carrosserie allégée, un moteur plus puissant et une mise au point tournée vers l’efficacité dynamique absolue. Alors que le SUV italien fête ses quatre ans d’existence, il scinde sa gamme en deux. Le modèle de base, anciennement doté d’un V8 biturbo de 650 chevaux, revendique désormais 666 chevaux et arbore le badge « S ». Quant à l’Urus Performante, il ajoute à cette petite hausse de puissance quelques panneaux de carrosserie en fibre de carbone, un kit aérodynamique censé augmenter l’appui, des amortisseurs passifs au lieu des systèmes pneumatiques, des voies élargies de 16 mm, une caisse rabaissée de 20 mm et une transmission intégrale à la programmation revue. Allégé de 47 kg, ce ‘poids plume‘ de 2 150 kg chausse aussi des semi-slicks Pirelli Trofeo R en première monte. Même le Porsche Cayenne GT avec ses P Zero Corsa n’avait pas osé aller aussi loin. L’idée même de lâcher dans la nature un SUV familial dont les pneus froids pourront jouer des tours sur le mouillé aux conducteurs les moins avertis me paraît follement audacieuse !
Sur circuit

Bref, me voilà lancé sur le circuit de Vallelunga, agrippé au volant en Alcantara d’un camion équipé de quasi pneus de course. Dès les premiers virages, pourtant, le sentiment de malaise laisse place à une expérience assez curieuse. Sans surprise, ce pachyderme donné pour 3’’3 sur le 0 à 100 km/h tracte fort en ligne droite et fait davantage de bruit que l’ancien Urus. Mais il surprend surtout par le niveau de grip que son train avant peut encaisser en courbe avant de céder au sous-virage. Il finit bien évidemment par lâcher prise quand on augmente encore la vitesse d’entrée, surtout dans les parties les plus sinueuses où la masse et le centre de gravité toujours problématiques sur un tel terrain n’aident pas. Même une fois la limite latérale dépassée, pourtant, l’Urus Performante ne s’échoue pas comme une baleine sur un rivage : toujours réactif au lever de pied ou au petit coup de frein en virage, il accepte de pivoter au lieu d’abandonner son train avant vers le large. Malgré sa cartographie modifiée, la boîte automatique se montre trop restrictive au rétrogradage en mode manuel, tandis que son rupteur intervient un peu trop brutalement. Et le train arrière n’aide à pivoter via l’accélérateur que si vous désactivez totalement les aides à la conduite, dans une fenêtre plus réduite que celui d’un Porsche Cayenne Turbo doté d’une plateforme châssis identique mais d’une transmission différente (embrayage arrière multidisque au lieu du différentiel central Torsen de son cousin italien). Mais l’impression générale d’efficacité dans ces conditions, rappelant les sensations d’une Audi RS 6 Avant, n’a vraiment rien de clownesque et même les (gros) freins affichent une endurance inattendue. Plus ferme que l’Urus S, il ne semble pas non plus inconfortable pour autant même si nous n’avons pu juger de sa polyvalence que sur le circuit et sur la terre d’une piste de rallye dans l’enceinte de Vallelunga (avec des Pirelli P Zero Corsa dans ce dernier cas). Car oui, l’Urus Performante possède un inédit mode Rally pour ceux qui voudraient sérieusement peaufiner l’appel-contre appel entre les arbres avec un SUV à 262 185 euros.
Le meilleur de tous ?
S’il existait un guide d’achat des meilleurs SUV ultra-sportifs de circuit du marché, l’Urus Performance y devancerait sans doute l’Aston Martin DBX707 grâce à une caisse mieux tenue en conduite extrême et un plus haut niveau d’adhérence avec ses semi-slicks. Fort de son V12 atmosphérique et de son châssis plus proche d’une vraie GT que d’un authentique SUV, le Ferrari Purosangue semble faire encore mieux même si Lamborghini refuse de le désigner comme un concurrent direct en raison de son tarif très supérieur (390 000 euros) et de son habitabilité en retrait. Et puis, il y a aussi les intrigantes Porsche 911 Dakar et Lamborghini Huracán Sterrato. Mais vous admettrez qu’il est quand même fou de constater qu’un Urus Performance roule plus vite que la toute première Huracán LP610-4 de 2014 sur la piste de Nardó. Même s’il le doit sans doute en priorité aux progrès des pneumatiques.
Cet essai est paru dans EVO 163, un magazine que vous pouvez vous procurer sur ngpresse.fr.