Selon la com’ Jaguar, je suis en face d’un nouveau modèle mais, malgré tous les efforts déployés pour me convaincre, j’ai le sentiment d’être devant une simple mise à jour du modèle sorti en 2012. Et à y regarder de près, c’est effectivement le cas puisqu’on retrouve une ligne connue, une plateforme aluminium identique, un 4 cylindres de 300 ch et un V8 de 575 ch repris de la SVR. Mis à part ce regard désormais horizontal et froncé ainsi que le choix discutable de peindre couleur carrosserie le bas du diffuseur arrière du modèle haut de gamme, cette F-Type sent le réchauffé. Mais est-ce vraiment un mal ? Pas forcément.
D’une part, cette silhouette reste indiscutablement captivante, ses proportions fonctionnent toujours aussi bien et la modifier aurait été suicidaire. Et pour le reste, si Jaguar n’a sans doute pas la possibilité économique de concevoir une nouvelle auto, raffiner une base déjà correcte ne peut normalement qu’aboutir à un résultat plus sympa.
F-Type R

Première version essayée, la F-Type R de 575 ch et 4 roues motrices semble assouplir le caractère et rehausser le niveau de finition de la précédente SVR. Même s’il a perdu en puissance sonore du fait de la présence d’un filtre à particules et adopté par défaut un mode de démarrage “discret” (réversible après une petite manipulation), le V8 à compresseur reste toujours aussi délicieusement expressif. Hormis une pédale d’accélérateur un brin chatouilleuse en mode Dynamic, il conserve son caractère plutôt rond avec ses 700 Nm de couple disponibles de 3 500 à 5 000 tr/mn. Avec lui, point de hurlements stridents, tout se passe sous les 6 500 tr/mn qui est le régime de puissance maximale.
Sa transmission intégrale ne renvoie au mieux (au pire ?) que 30 % de la puissance vers l’avant
Le train arrière renforcé, la nouvelle suspension (toujours à double triangulation avant et arrière) et l’antiroulis entièrement revu pour permettre aux pneus arrière de conserver une empreinte au sol la plus large possible en courbe et donc d’assurer une meilleure motricité, semblent offrir une progressivité et un niveau d’adhérence en amélioration. Mais la R étant pourvue de Pirelli P Zero spécifiques plus larges (c’est la seule des trois versions) et d’un différentiel électronique aux réglages raffinés, difficile de pointer quel domaine apporte plus que l’autre. Reste que, grâce à son système torque vectoring freinant la roue arrière intérieure au virage, le grip de ses pneus, une direction joliment paramétrée et sa suspension revue, la F-Type R accepte volontiers de s’engager en courbe malgré son poids de limousine enrobée (1 743 kg à sec !), de se caler en appui puis de délicatement perdre l’adhérence lorsque vous remettez les gaz (pas comme un goret évidemment). Sa transmission intégrale ne renvoyant au mieux (au pire ?) que 30 % vers l’avant, la F-Type R conserve donc une forte tendance “propulsion”. On peut ajouter que son poids copieux la fait se déhancher facilement sur les gros freinages et que sa boîte ZF 8 rapports améliorée grâce aux enseignements tirés de la Project 8 fait toujours aussi correctement le job. On aurait pu se passer des étonnants à-coups artificiels ajoutés en mode Dynamic mais, au final, on se retrouve avec un engin plutôt sympathique à mener sur route.

Elle n’a pas la vivacité d’une vraie sportive, elle manque un peu de ressenti sur les freinages et, plus globalement, son amortissement relativement confortable lui donne un comportement qui me rappelle celui d’une berline sportive surmotorisée. Tant que l’on ne surchauffe pas les pneus en forçant les entrées de courbe, et que l’on reste mesuré dans ses actions, c’est très plaisant, voire amusant ! Et comme l’habitacle qui gagne en finition et en équipements inaugure un joli tableau de bord numérique (écran 12,3 pouces) et que le nouvel éclairage actif à 128 pixels inonde la nuit d’une lumière impressionnante, l’expérience globale est plus que satisfaisante. Ça peut l’être un peu moins (satisfaisant) en jetant un œil au tarif de 126 400 euros (entre 110 et 140 000 euros en occasion en 2023), mais vous noterez que cela reste toutefois largement inférieur à celui d’une précédente SVR quasiment identique.
Moteur V8 5000 cm3, compresseur
Puissance 575 ch à 6500 tr/mn
Couple 700 Nm de 3500 à 5000 tr/mn
0-100 km/h 3″7
V-Max 300 km/h
Poids EU 1818 kg
F-Type P450
La version à moteur V6 ayant disparu, elle est remplacée par une P450 équipée du V8 dégonflé à 450 ch et 580 Nm mais elle est surtout dépourvue de la transmission intégrale (qui reste dispo en option) et se montre plus accessible avec un tarif débutant à 93 020 euros (entre 75 000 et 115 000 euros en occasion en 2023). Sans pneus spécifiques (elle dispose de P Zero “standard”), cette P450 essayée en version cabriolet séduit tout de suite.
Plus facile à cerner et à contrôler du fait de pneus moins adhérents (et moins larges), d’un poids inférieur de plus de 80 kg et de sa simple propulsion, on peut jouer avec son équilibre à des vitesses inférieures sans rien perdre de la dramaturgie du moteur.
Et en version découvrable, c’est forcément encore mieux, d’autant que Jaguar continue d’indiquer un poids identique à celui du coupé. Par quel miracle, on ne le sait pas. Sommes-nous en présence d’un cabriolet léger ou d’un coupé extrêmement lourd, je vous laisse choisir.
Moteur V8 5000 cm3, compresseur
Puissance 450 ch à 6000 tr/mn
Couple 580 Nm de 2500 à 5000 tr/mn
0-100 km/h 4″6
V-Max 285 km/h
Poids EU 1735 kg
F-Type P300
Troisième et dernière offre, la version P300 propulsion est toujours animée par le 4 cylindres Ingenium de 300 ch. C’est le modèle d’accès à la F-Type proposée à partir de 64 490 euros (entre 47 000 et 73 000 euros en occasion en 2023) et donc le plus léger de tous avec 1 520 kg sur la balance. Et 140 kg de moins (voire 223 par rapport à la R), ça se perçoit nettement au volant. La P300 paraît plus vive mais pas forcément plus agile, tandis que sa suspension semble réagir un peu plus fermement.
Toutefois, la P300 vous permet d’attaquer avec un peu moins de réserve car la puissance ne dépasse que rarement les capacités du châssis. Sur les premiers rapports, il est possible de rouler par les portières mais dès que l’on prend de la vitesse, la P300 reste collée au bitume. Si une fois lancé, l’amplificateur de son intérieur flatte vos oreilles en émettant une belle sonorité artificielle, vous ne risquez pas d’impressionner la foule en démarrant votre F-Type en public, le bruit quelconque du 4 cylindres étant presque risible associé à une aussi belle plastique. Mais cette P300 se montrant assez vivante, on en vient à se demander si elle n’offre pas un caractère plus sympathique (et plus singulier) au quotidien qu’un Cayman de base froidement efficace et guère plus satisfaisant sur le plan sonore.
Moteur 4 cyl. 1997 cm3 turbo
Puissance 300 ch à 5500 tr/mn
Couple 400 Nm de 1500 à 4500 tr/mn
0-100 km/h 5″7
V-Max 250 km/h
Poids EU 1 595 kg
Mon choix
Même si vous ne me le demandez pas, sachez que s’il ne fallait en choisir qu’une, je viserais volontiers la version intermédiaire. V8, propulsion et cabriolet, ça sonne comme une recette imparable garantissant à coup sûr un maximum de plaisir volant en mains. Qu’elle soit plus “lente” de presque une seconde sur le 0 à 100 km/h et de 15 km/h en vitesse de pointe par rapport à une R (4’’6 contre 3’’7 et 285 km/h contre 300) reste totalement anecdotique et hors sujet en matière de plaisir.
Cet essai a été publié dans EVO 144, un magazine que vous pouvez vous procurer sur ngpresse.fr.