Où et quand ?
Ferrari a convié la presse du monde entier durant six semaines entre fin janvier et mars. Depuis la 296 GTB, il quitte la piste de Fiorano et les collines d’Emilie Romagne pour des formats inédits. Cette fois, il opte pour le nord de l’Italie et une boucle de plus de 200 km dans les Dolomites, au départ de Pinzolo. Etant donnée la période, les modèles d’essai chaussent des pneus hiver (obligatoires jusqu’à fin mars). Mais pas n’importe lesquels : des Michelin Alpin 6 sur mesure estampillés « K1 » (Ferrari) et « SUV ». Tiens donc, le constructeur refuse pourtant de le classer ainsi. Les conditions d’essai sont excellentes, entre une température avoisinant les 7° et des routes globalement sèches.
Le pitch
Maranello opte pour une descendance atypique de la sublime GTC4Lusso. Il cède à la mode des sportives surélevées et innove en proposant la première quatre portes de son histoire. Mais il refuse d’évoquer la catégorie SUV ! Au-delà du côté marketing, il suffit d’en prendre le volant pour constater qu’il navigue sur une autre planète, loin de celle des pachydermes qui envahissent nos rues. Le châssis et la carrosserie sont en alu, à l’exception du toit en carbone (de série). L’architecture reste fidèle au moteur central avant, à la boîte à double embrayage rejetée à l’arrière (intégrant un autobloquant actif et comptant désormais 8 rapports) et à une transmission intégrale. Placé à l’avant et cachant un différentiel vectoriel, le Power Transfer Unit ne transfère du couple sur l’avant qu’en cas de besoin et jusqu’en 4e (180 km/h maxi). Et l’hybride alors ? Hors de question selon le constructeur, le « pur-sang » doit refléter l’ADN maison et est taillé pour le V12.
Premier regard
Le choc. Dans la rue, le Purosangue dégage une sacrée prestance, loin des gros SUV existants. Son profil évoque celui d’une GTC4Lusso surélevée (de 21 cm) avec un long capot, un arrière tronqué et une aéro travaillée : refroidissement, aérobridges, aileron ramenant l’air sur la lunette pour la nettoyer (pas d’essuie-glace). La hauteur s’élève toutefois au niveau d’un petit Captur et la garde au sol atteint seulement 18,5 cm. Il existe même un porte-skis et un porte-vélo en accessoires.
Le spectacle continue en ouvrant automatiquement (ou pas) les portes arrière antagonistes. Deux adultes peuvent prendre leurs aises. Les baquets sont identiques à ceux avant et peuvent se rabattre pour augmenter le volume de chargement (coffre de seulement 473 l). Bon, la meilleure place reste celle du conducteur. Il est rassurant de constater que l’on ne monte pas à bord du Purosangue, on descend d’un étage. Du coup, la position de conduite se révèle à peine surélèvée. Tant mieux ! On découvre une planche de bord en forme de double vague, marquée par deux écrans, et des matières nobles utilisant des matériaux durables à hauteur de 85 % : cuir, carbone en option et Alcantara utilisant du polyester recyclé (en option). L’ergonomie reste complexe (volant, molette amovible) et peu pratique à l’usage.
Les chiffres
Ils ont de quoi donner le tournis. On démarre par les 725 ch de cette évolution du 6,5 litres capable d’atteindre 8 250 tr/m. Il est couplé à une DCT qui compte 8 rapports et recèle un launch control abaissant l’assiette avant de le propulser à 200 km/h en 10’’6. Foncez voir notre vidéo ! Il resterait donc collé au parechoc d’une Lusso (-0’’1, 690 ch), bien qu’il pèse 250 kg de plus et qu’il soit plus résistant sur le plan aéro… Étrange. Les ennemis Urus Performante et DBX 707 s’accrocheraient jusqu’à seulement 100 km/h. La vitesse maxi, elle, s’établit à 310 km/h. Ferrari annonce un poids à sec de 2033 kg, qui grimpe à 2170 kg avec les fluides (dont 100 l d’essence !). Le Purosangue ne devient pas le plus puissant des crossovers, car certains constructeurs américains se sentent pousser des ailes en électrique : Tesla Model X Plaid de 1020 ch, Chevrolet Silverado de 764 ch. Il crève en revanche le plafond en matière de tarif, en exigeant près de 400 000 €.
Le truc en plus
Le V12, sans hésitation ! Extrapolé de celui de la GTC4Lusso, ce bloc à injection directe et filtres à particules est retravaillé et hérite des culasses des 812. Il ne cogne jamais, mais saisit dès les bas régimes et grimpe dans les tours avec une force inépuisable. La bonne nouvelle est qu’il donne de la voix aussi à bord et surprend par son enthousiasme dans les tunnels. Le contraste entre le son et le gabarit est saisissant.
L’autre atypisme de cette Ferrari se cache au sein de sa suspension. Exit les barres antiroulis. Les amortisseurs signés Multimatic (TrueActive Spool Valve) contrôlent électriquement les compressions et détentes (logiciel développé par Ferrari). Ils offrent trois tarages et réduisent efficacement la sensation de poids sans sacrifier le confort. Ils dorlotent moins les occupants que des combinés pneumatiques et sont loin d’être aussi radicaux que les amortisseurs passifs de l’Urus Performante (trop fermes). Nous avons également constaté des vibrations sous 100 km/h, probablement dues aux pneus hiver.
Le râleur, il dit quoi ?
J’aurais aimé que le Purosangue mesure 20 cm de moins en hauteur et qu’il prenne l’allure d’une sublime berline ou d’un break de chasse
Sur la route
Le crossover de près de 2,2 tonnes épate par sa polyvalence, assorti d’une mécanique hors-normes. Le compromis confort/dynamisme est digne d’une grosse GT. La rigidité du châssis saute aux yeux, comme le déhanché typé propulsion. Dans ces conditions, il ne s’inscrit pas aussi promptement qu’un Urus Performante, mais il suffit de contrecarrer le sous par du survirage à l’aide des gaz pour enrouler voire glisser en déconnectant les aides. L’apport du différentiel vectoriel avant et des roues arrière directrices (angle dissocié droite et gauche) n’est pas aussi percutant qu’escompté en raison du grip latéral limité. Nous avons hâte de le jauger avec les Michelin Pilot Sport 4S dédiés (de série). Seul le feeling des freins carbone/céramique à assistance variable laisse perplexe, en raison d’un mordant variable qui se raidit à outrance dans les modes sportifs.
Sur la piste
Ces essais hivernaux ne comprenaient pas de halte circuit, seulement un chemin étroit enneigé et fermé. L’occasion d’apprécier le grip procuré par les pneus hiver, la transmission intégrale et les différentiels actifs. Dès le mode Sport, l’arrière glisse sans rechigner et la mécanique facilite le dosage par sa progressivité. Vivement que l’on maltraite le Purosangue sur circuit sec ! Ce genre de tests n’est pas au programme et Ferrari ne communique d’ailleurs aucun temps au tour à Fiorano.
Le bienheureux, il en dit quoi ?
Avec un tel joyau mécanique et une telle technologie embarquée, le Purosangue incarne un ovni dans le segment !
On sort le chéquier ou pas ?
Le Purosangue restera un rêve pour les petites tribus (4 personnes maxi) et les amateurs de GT priorisant le chargement. Le tarif démarre d’une part à 384 229 €, hors malus de 50 000 €. Ce qui représente une hausse de 120 000 € par rapport à la GTC4Lusso sortie en 2016 ! D’autre part, Ferrari a stoppé la prise de commandes car les carnets sont remplis pour les quatre prochaines années. Afin d’entretenir l’exclusivité et la valeur, il limite les ventes à 10 % de la production annuelle.