En 1999, la 911 Carrera développait 300 ch. La S3, quant à elle, en dissimulait déjà 210 et devenait la pierre fondatrice d’une nouvelle catégorie, celle des “Maxi GTI” ou plutôt des “Mini GT” tant les performances, le raffinement et le tarif de la bombe d’Ingolstadt s’éloignaient des standards connus chez les Clio R.S., 306 S16 et autres compactes délurées de l’époque. Que reste-t-il, quatre générations plus tard, de l’aura et de l’esprit de cette pionnière ?
L’aura s’est estompée. Même si des pouces se dressent encore sur son passage, l’ex-vedette du début des années 2000 est désormais tapie dans l’ombre d’une RS3 de 400 ch. Même la Golf R 20 ans la toise désormais avec 333 pur-sang. L’esprit, en revanche, est intact ! Le conservatisme de la S3 ferait presque passer la 911 pour une révolutionnaire. Quatre cylindres turbo, transmission intégrale, raffinement, typage, look : rien n’a changé ou presque depuis l’ancien millénaire. Le poids annoncé s’est accru de 125 kg, la cavalerie de 100 ch, et le couple de 50 %, mais la S3 demeure la compacte facile, discrète, performante, luxueuse et techno qu’elle a toujours été. Preuve ultime de cette douce évolution, une puissance et un couple inchangés entre la précédente génération (nom de code 8V) et l’actuelle (8Y). C’est assez rare, voire unique, pour être souligné…
Le conservatisme de la S3 ferait presque passer la 911 pour une révolutionnaire
Le prix également est stable avec une augmentation de seulement 340 €. Plus aurait été difficile à justifier sachant que l’Audi est déjà plus chère que la BMW M135i, arguant 306 ch et quatre roues motrices. Ce n’est pas la crise pour tout le monde… Rappelons qu’une RS3 de base armée d’un cinq cylindres de 367 ch coûtait 56 900 € en 2015. La S3 que vous avez sous les yeux, elle, tutoie les 60 000 € hors options et malus (10 980 € en 2023). Le prix d’une image, d’une finition, d’une ambiance, d’une position “statutaire” comme ils disent, mais pas du grand frisson. Pour attaquer, glisser, dévorer de la spéciale de rallye et des vibreurs, on ne choisit pas une S3. C’est ainsi depuis toujours et ce n’est pas un cas isolé, loin de là, dans le segment. L’A 35 et la M135i représentent, dans ce domaine, deux de nos plus grandes déceptions de ces dernières années. La polyvalence est une chose, la capacité d’émouvoir un minimum l’acheteur d’une sportive de 300 ch un tant soit peu joueur en est une autre.
Force tranquille
De prime abord, la S3 joue sur le même registre. Une sonorité feutrée, un châssis on ne peut plus conciliant, une motricité hors pair, une direction filtrée et une mécanique d’une infinie souplesse, le tout dans un environnement cinq étoiles à base d’équipements dernier cri et de meubles design. Le quatre cylindres répondant au doux nom de EA888 evo4, pour les initiés, pousse à tous les étages grâce à une injection directe portée à 350 bars, une distribution variable tous azimuts (levée des soupapes + déphasage des arbres à cames) et un turbo soufflant à 1,8 bar maxi. Launch control activé, les 4”8 annoncés sont vérifiés. Évitons de banaliser ce genre d’exploit et souvenons-nous que la première Audi R8 réclamait 4”9 sur le même exercice…
Le mille mètres départ arrêté expédié en 23”8 fait de la dernière S3 laréférence du sprint de la catégorie avec un avantage d’une demi-seconde sur la concurrence. Les reprises sont naturellement du même acabit mais le caractère ultra-linéaire du 2 litres turbo a tendance à lisser les sensations. Comment pourrait-il en être autrement avec une puissance maxi disponible de 5 450 à 6 500 tr/mn et un plateau de couple de 2 000 à 5 450 tours ?
Pour rejoindre le circuit Club de Magny-Cours, le trajet depuis Paris démontre s’il en était besoin les qualités de rouleuse hors pair de la S3. Il existe trois modes de conduite prédéfinis, mais le plus intéressant reste le quatrième baptisé Individual, permettant de choisir et mémoriser un menu à la carte en jouant indépendamment sur la réponse du moteur, la direction et la suspension, ici pilotée (en option). Nos petites routes de prédilection à l’abord du circuit mettent en exergue une aisance épatante en toutes circonstances. L’auto possède cet incroyable talent de gommer les approximations du pilote autant que les variations de grip. Ça passe ou ça passe, fort et sans en avoir l’air. Tandis que BMW finit par oublier les contre-braqueurs avec la Série 1, Audi démontre depuis quelques années une volonté louable d’encanailler ses modèles sportifs réputés très (trop) sérieux.
Cet incroyable talent de gommer les approximations du pilote
La dernière génération du différentiel piloté semble aller dans ce sens. Rien de révolutionnaire. Il s’agit toujours du célèbre embrayage multidisque Haldex, allégé d’un kilo mais surtout contrôlé par une nouvelle centrale électronique indépendante regroupant l’ensemble des infos liées à la dynamique du véhicule et agissant ainsi plus finement et plus rapidement en conséquence. Le dispositif apporte une belle sensation d’agilité à l’inscription mais, comme nous le verrons plus loin sur piste, les réjouissances s’arrêtent là.
La suspension abaissée de 15 mm offre un pouvoir de filtration satisfaisant et une tenue de caisse remarquable… jusqu’à un certain point. L’art du compromis a ses limites, et si le tarage le plus ferme (sur les trois proposés) est le plus en accord avec une conduite sportive sur route, il tolère mal les chaussées défoncées mais ne rend pas les armes pour autant. Le poids élevé n’arrange rien dans ce domaine. 1 578 kg contrôlés chez nos amis de W Autosport pour 1 500 annoncés. C’est beaucoup dans l’absolu pour une berline compacte, mais c’est dans l’air du temps et c’est moins que la M135i (1 588) et l’A35 (1 600).
Presque joueuse
Le train avant est volontaire, précis, la poupe est mobile en entrée mais l’espoir de sentir l’auto enrouler sur les gaz s’envole à la première épingle. Le dossier de presse parle de 100 % de couple pouvant être transmis aux roues arrière. Il s’agit en réalité de 100 % du couple “utile”, autrement dit susceptible de passer au sol. Il va de soi qu’un embrayage interpont offre au mieux, lorsqu’il est verrouillé, une répartition 50/50 entre les deux essieux. Notez que la Golf R, elle, est équipée comme les Classe A AMG d’un différentiel arrière à vecteur de couple (un embrayage par roue) susceptible, en théorie, de transformer l’auto en propulsion.
La S3, quant à elle, demeure une traction pouvant muer en intégrale, ni plus ni moins. Son châssis rigoureux réagit toutefois bien au lever de pied et rend le pilotage plus actif qu’au volant d’une M135i. Une A 35 fait montre d’une agilité supérieure mais passe moins fort en courbe. Le freinage de l’Audi tient le choc mais la définition du châssis interdit un niveau d’attaque suffisant pour aller chercher mieux qu’un chrono modeste (1’27”43) eu égard au niveau de puissance. La S3 fait ainsi presque jeu égal avec la Mercedes et devance de plus d’une seconde la BMW. Impossible en revanche d’aller chercher une Mégane R.S. ou même une Ford Focus ST, autrement plus récréative, 20 000 € moins chère mais infiniment moins cossue.