Nous passons un temps infini à parler du poids des autos dans EVO. De nos jours, il est devenu tout à fait normal pour une sportive telle que la nouvelle BMW M3 de peser plus de 1 700 kg, et pour la nouvelle catégorie d’électriques hautes performances de dépasser les deux tonnes. C’est le compromis accepté pour bénéficier de toute cette puissance, de tout ce luxe et de toutes ces technologies que le consommateur réclame. Dans le cas des GTI mais également des sportives, il est très rare de voir des modèles émarger sous les 1 400 kg. Mais la question importante est : est-ce vraiment important ? Les autos sont toujours plus rapides, les temps au tour ne cessent de chuter, où est donc le problème finalement ? La légèreté est-elle réellement le Graal ?
J’ai le sentiment que le véhicule au look familier juste face à moi va pouvoir m’éclairer sur le sujet, étant donné son poids de seulement 440 kg. Oui, j’ai bien écrit 440 kg.
Une évolution de la 160
Comme un visage bien connu après une chirurgie esthétique alarmante, la nouvelle Caterham 170R a la peinture voyante, les éléments carbone et l’absence de parebrise typique des versions radicales des Seven dédiées à la piste, mais on perçoit aussi un étrange désaccord à cause de ses voies étroites et ses pneus fins en 155/65 R14 (des Avon ZT7) que l’on croirait volés à une Triumph TR3.
La 170 remplace la 160, elle est également le premier modèle à sortir sous la tutelle des nouveaux propriétaires japonais. Si la 160 proposait 80 ch et 107 Nm de couple pour 490 kg, celle-ci grimpe à 84 ch et 116 Nm de couple pour simplement 440 kg (dans sa version R sans parebrise).
Il n’y aura clairement que peu de gains, mais l’un des avantages des véhicules ultralégers est qu’il ne faut pas grand-chose pour ressentir de gros changements. Elle n’a peut-être que 4 ch de plus mais étant donné son poids plume qui vous donne l’impression de pouvoir la soulever à la main en l’agrippant par l’arceau, ce petit bonus du 660 cm3 Suzuki devrait malgré tout faire une différence.
Elle est si légère que les 4 ch de plus devraient malgré tout faire une différence
On peut choisir la version S (route) ou la R (course) comme sur chaque Seven. Ici, c’est une R ce qui signifie qu’elle dispose d’un différentiel à glissement limité, d’une suspension sport, de baquets en carbone et très peu de protections contre les éléments. On a aussi droit à de nouveaux développements comme les feux à Leds arrière. Oui, la modernité met un peu de temps à venir chez Caterham.
Un insecte raisonnablement agité
Après s’être tortillé pour pénétrer dans le baquet très enveloppant, le 3 cylindres démarre pour se caler sur un ralenti rythmé et assez sobre, sa présence étant plutôt trahie par sa signature vibratoire caractéristique. La boîte manuelle 5 rapports possède un levier et des débattements délicieusement courts ainsi qu’un ressenti mécanique agréable. Et sans surprise, la 170R s’anime avec la vivacité d’un insecte agité. Sous mon casque, mon cerveau essaie de se souvenir de ma dernière expérience dans la 160 pour avoir quelques points de référence. Je me souviens que j’adorais le concept plus que sa conduite en fait. J’aurais apprécié plus de puissance, plus de tranchant. C’était amusant un certain temps mais au lieu de la conduire à la limite, je m’étais vite frustré en repensant aux Caterham d’antan.
Il ne faut guère de temps pour percevoir ce que le moteur peut offrir. Il est un peu atone sous les 2 500 tr/mn mais entre 3 000 et 5 000, il pousse énergiquement avant de gravir les 2 000 derniers tours avec un enthousiasme décent. Ce n’est pas ultra-rageur mais je m’attendais à bien pire.
Seule, elle se montre déjà sympa, mais posée dans le contexte actuel, c’est un engin surprenant. À un moment, dans une petite côte suivant la sortie d’un rond-point, la 170R parvient à dépasser un Renault Trafic. Si je n’avais pas peur de me prendre un gravier dans l’œil ou une éclaboussure dans la figure, les maigres performances de l’auto me convaincraient facilement de ne pas porter ce casque intégral un brin ridicule à cette vitesse. Les chiffres indiquent que la 170R atteint les 100 km/h en sept secondes environ avant de dépasser triomphalement les 170 km/h en pointe. Ce sont des performances de petites GTI des années 90 couplées à l’aérodynamique d’un parpaing.
Un manque de nuances
La question que je garde en tête est : est-ce vraiment essentiel ? Est-ce que je me sens lésé ? Plus j’y pense, plus je réalise que la frustration qui me gagne ne provient pas du manque de performance globale de la 170 mais du manque de nuances offertes par ce moteur. Oui, vous pouvez cruiser sur un filet de gaz mais dès que l’on cherche à hausser un peu le rythme, c’est obligatoirement 100 % de l’accélérateur qu’il faut écraser. En réalité, le fait de ne pas avoir à doser l’accélérateur me manque. Et du fait de ses 84 ch, la 170 ne patine jamais, son cul ne bouge pas, d’autant qu’elle dispose d’un autobloquant.
Ce dernier n’en reste pas moins utile car le patinage de la roue intérieure de la 160 lorsque vous la provoquiez un peu était assez pénible. Contrairement à cette dernière, le répertoire dynamique de la 170 paraît plus fourni et semble plus conforme à ce que l’on attend d’une telle auto. Les Seven ont toujours été des engins très agiles mais celle-ci l’est encore plus. Il me suffit de regarder sur ma droite pour qu’elle se dirige dans cette direction immédiatement. Si la route oblique ensuite dans l’autre sens, la 170 change de direction sans aucune inertie.
Les Seven ont toujours été hyper-agiles mais celle-ci, c’est pire
Pour être franc, il faut un peu de temps pour se réhabituer à cette hyper-agilité, pour reprogrammer son cerveau et gagner en confiance. Même si cela peut sembler ridicule dans une auto de 84 ch, je me sens un peu gêné par cette sensation de flottement due aux pneus qui n’ont rien de sportif. Sous mon casque, j’ai un doute persistant quant à leur capacité à entrer en contact avec la route et donc à m’offrir un minimum de contrôle.
Engagement permanent requis
En fait, le grip général n’est pas le problème. L’adhérence en courbe que la 170R est capable de supporter est plutôt époustouflante au regard de ces pneus en 155 de large. On apprend assez vite à leur faire confiance, conscient que chacun de vos mouvements, même le plus infime aura une répercussion sur le comportement de l’auto. Si vous manquez de précision sur votre rétrogradage au talon-pointe, il faudra supporter un léger blocage de roues. Si vous êtes trop agressif en entrée de courbe, les quatre pneus prennent un coup de chaud et glissent. Il faut utiliser cela à son avantage pour réellement piloter la 170R. J’imagine en tout cas que c’est ainsi que Jim Clark ou Jochen Rindt l’auraient menée, tout en douceur et en délicatesse mais avec des gestes précis pour la faire danser comme Fred Astaire.
Je n’ai pas été très bon pour la faire danser. Pour ma défense, les routes du coin sont étroites, tortueuses, la circulation y est chargée et les limitations de vitesse ridiculement basses.
Le revers inattendu de la médaille de la 170 est que bien qu’elle soit conçue pour être pertinente sur nos routes actuelles, pour en profiter réellement, il faut vraiment s’employer. Impossible d’écraser l’accélérateur en milieu de courbe pour se faire plaisir, non, il faut arriver très vite dans la courbe, être à la limite pour ensuite gérer ses dérobades avant et arrière. Mais tout cela demande de l’espace et de la confiance qui ne peuvent venir que sur des routes désertes.
Un autre problème est qu’avec son essieu arrière rigide, la 170R devient nerveuse et même un peu inquiétante sur un revêtement bosselé ou abîmé. Piloter une 170R demande de savoir lire la route comme le ferait un motard.