Avec plus de cinquante voitures au départ du championnat européen 2 022 et plus de quarante en France, la catégorie GT4 s’inscrit comme une discipline qui compte en sport automobile. En plein essor, elle se situe à la croisée des trajectoires sportives des pilotes qui y évoluent. On y trouve de jeunes espoirs désireux de faire la démonstration de leur talent auprès des constructeurs, des pilotes amateurs voulant se confronter au haut niveau, et des pilotes professionnels confirmés. Avec un budget d’environ 300 000 € HT pour six courses, à répartir entre deux pilotes, le GT4 reste une discipline « accessible » par rapport aux millions réclamés par les monoplaces types F3 et F2.
Pour mémoire, une GT4 se base sur un modèle de série et reçoit de légères modifications afin de contrôler les coûts. C’est ainsi que l’on trouve par exemple des Audi R8, Aston Martin Vantage, Porsche 718 Cayman, AMG GT, Alpine A110, Toyota GR Supra, etc. Au total, plus de 14 constructeurs sont déjà présents et d’autres prévoient leur arrivée. BMW en fait partie depuis 2018 avec une M4 GT4 basée sur la F82. En 2023, le constructeur renforce son engagement en commercialisant un modèle développé sur la base de la G82. C’est celle que je vais essayer aujourd’hui, sur invitation du team l’Espace Bienvenue et de BMW France.
Évoluant dans différents championnats GT4 à travers le monde depuis plus de cinq ans, j’ai pu piloter la majeure partie des voitures du plateau. J’ai notamment fait une saison complète en championnat de France à bord de l’ancienne M4 GT4 en 2018. Ceci va pouvoir me donner une solide base de comparaison pour quantifier l’apport de ce nouveau cru.
Une GT4 moderne
J’ai deux sessions d’environ 30 minutes pour apprivoiser la bête de 1 480 kg (poids d’homologation) et 550 ch potentiels. Potentiels, car la fée BOP (Balance Of Performance) va passer par là avant le coup d’envoi des championnats afin d’assurer que toutes les GT4, aussi différentes soient-elles, puissent lutter à armes égales. Comme ses collègues pistardes, la M4 va hériter d’une bride moteur, d’un lest et d’une hauteur de caisse augmentée. Elle devrait plutôt osciller autour de 400/420 ch en compétition, ce qui est le cas lors de cet essai. Je me laisse glisser dans le profond baquet, fixe. C’est avec le pédalier et le volant, tous deux ajustables, que je trouve la position de conduite idéale. L’habitacle est entièrement dépouillé et seules les fonctions indispensables au pilotage sont conservées. La gestion des différents systèmes électroniques se gère principalement depuis le volant, développé en partenariat avec Fanatec (matériel pour simulateurs), ainsi que depuis la console centrale en fibres naturelles. Obligation réglementaire FIA, les nouvelles voitures de course abandonnent peu à peu le carbone pour des matières plus écologiques. Ainsi, c’est le lin qui est utilisé à profusion dans cette M4, aussi bien dans l’habitacle, que pour les portes, le capot avant, la malle arrière, le splitter avant, le diffuseur ou encore l’aileron.
L’ingénieur du jour m’expose les différentes commandes et fonctions. Parmi elles, le Traction Control (TC) est réglable sur dix positions. Ayant roulé sur l’ultra-sinueux tracé de Pau sous la pluie avec l’ancien modèle qui en était dépourvu, je peux vous dire que ce n’est pas une coquetterie lorsqu’il s’agit de sécurité et de performance. L’ABS est quant à lui hérité de la série, bien qu’entièrement recalibré.
Session pluvieuse, session heureuse ?
Maintenant qu’on a fait connaissance, je m’élance pour mes premiers tours. Il pleut à Nogaro. Connaissant bien le tracé, je cherche directement à mettre du rythme pour me faire une idée précise du potentiel de cette monture. Le verbe « chercher » est le bon car les conditions de piste vont vite calmer mes ardeurs. Dès que je pose le pied sur l’accélérateur, le couple débarque immédiatement, saturant les pneus arrière qui ont du mal à passer la puissance au sol. Vous comprenez maintenant pourquoi j’insistais sur la présence du TC… On peut vraiment compter sur lui pour se rassurer. Je pense particulièrement aux pilotes amateurs pour qui cette aide sera précieuse.
Dans les virages, impossible de prendre la trajectoire sèche car la voiture se dérobe des quatre roues sur l’appui. Dans ces conditions difficiles, l’Audi R8, l’Alpine A110 ou la Porsche Cayman à moteur central arrière auront l’avantage. La boîte est efficace, plus que l’ancienne à double embrayage. Il s’agit d’une automatique à convertisseur de couple héritée du modèle de série, mais le 8e rapport, inutile en compétition, est supprimé. Sans être une référence, que ce soit à la montée ou à la descente, cette boîte auto fait ce qu’on lui demande. Là encore, on relève une nette amélioration par rapport à celle du modèle précédent, beaucoup plus lente et poussant vers l’avant au rétrogradage.
À l’attaque
Une nouvelle session a lieu plus tard dans la journée. Il s’est arrêté de pleuvoir, mais il fait froid. La piste a légèrement séché mais reste très grasse. Les pneus pluie sont donc toujours de la partie, mais le grip est bien supérieur. Désormais, je peux davantage tendre mes trajectoires et mettre la voiture en contrainte. Les problèmes de motricité disparaissent et je peux remettre les gaz beaucoup plus tôt, en attendant cependant d’être le plus droit possible. Je retarde les freins, même si le feeling n’est pas idéal sur la première partie de la course où l’on rentre énormément dans l’ABS. Force est de reconnaître que ça freine fort grâce au système emprunté à la GT3. Autre point où la M4 fait un bond par rapport à sa devancière : le train avant. Dans le premier secteur, très sinueux, elle m’étonne par sa propension à tourner, même sans la tenir aux freins. Dans l’Escargot où l’inertie a tendance à faire tirer droit, je rajoute un peu de volant et, là où la précédente serait partie en sous-virage, le train avant engage bien. La voiture pivote. Impressionnant.
Stable, bien amortie, puissante, coupleuse mais lourde et propice au roulis, le positionnement de cette nouvelle M4 (essai à retrouver par ici) reste le même que sa devancière, tout en apportant de nombreuses modifications qui renforcent son efficacité et facilitent la prise en main. Naturellement, elle sera plus à l’aise sur les longs circuits rapides comme Spa ou le Castellet que sur les tracés sinueux, d’autant plus s’ils sont humides. Évidemment, in fine, tout dépendra de la BOP définie sur chaque week-end de course.
À 187 000 € hors taxes et accessoires, elle paraît bon marché par rapport à ses concurrentes, en ayant fait le choix de conserver l’ABS et la boîte d’origine notamment. Nul doute que cette nouvelle GT4 aura une carte à jouer et que, bien emmenée, elle pourra évoluer sur le devant de la scène sur les championnats sprints. Et avec son siège ventilé, son pare-brise chauffant et sa climatisation, elle s’avère bien pensée pour les courses d’endurance comme les 24h du Nürburgring ou les 12h d’Abu Dhabi où elle est éligible.