EDIT : les images définitive de la nouvelle Bentley Continental GT ont été ajoutées à cet essai du prototype. Visitez la galerie pour la découvrir en détail
Bentley annonce depuis quelques années sa révolution électrique en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. La bonne nouvelle est que la bascule vers le monde du silence ne va pas s’opérer tout de suite pour la Continental. À l’heure où le W12 disparaît et l’ancien V8 quitte la gamme européenne, la quatrième génération de Continental GT s’électrifie avec panache. Aussi fou et incongru que cela puisse paraître, cette Speed de 782 ch échappera au supermalus en France et annonce des rejets infimes (36 g/km CO2 !) grâce à une autonomie électrique de 80 km (jusqu’à 160 km/h).
Le constructeur se soucie du marché européen car les coupé et cabriolet caracolent en tête des ventes (42 %), alors que partout ailleurs c’est le SUV Bentayga qui rafle la mise (44 %). Cette 4e génération ne part pas d’une feuille blanche et se définit comme une évolution de l’aînée. Elle repose toujours la plateforme MSB partagée entre autres avec la Panamera mais revoit en profondeur la suspension ainsi que les systèmes dynamiques actifs en vue d’accueillir une inédite mécanique électrifiée.
Évidemment, elle en profite pour passer sur le billard, en douceur. Le plus gros changement se situe au niveau des optiques. À l’avant, la Continental perd ses quatre phares ronds emblématiques au profit de deux éléments en amande et surlignés d’un sourcil. À l’arrière, les feux sont également effilés et grisés. Toute la face avant est remaniée, tandis que la malle arrière devient plus bombé et que le bouclier abrite toujours un double échappement… Pour le moins communicatif !
V8 loquace
Non seulement ce V8 est bavard, sans recourir à des artifices à bord, mais il sonne différemment en raison de son vilebrequin « crossplane » (plans croisés) où les manetons sont calés à la fois à 90° et à 180°. À ne pas confondre avec le vilebrequin « plat » où le calage se fait uniquement à 180°, à l’image du V8 Lamborghini.
Bentley ose cette architecture qui se traduit par un saccadé marqué et rugueux, aussi soigné à l’admission qu’à l’échappement pétaradant en mode Sport. Incroyable. Plaisant et décalé à bord d’une lady. En termes de sensations, la sonorité devient aussi prenante que la poussée, renforcée par l’électromoteur. On ne ressent pas un coup de fouet électrique immédiat, y compris en « E mode » 100 % électrique qui bascule automatiquement en hybride à pleine charge.
La fée électricité ajoute de la souplesse à très bas régimes mais en écrasant la pédale, les occupants sont scotchés qu’à partir de 2 000 tr/mn
Ce V8 grimpe volontiers dans les tours, mais l’on sent bien que son terrain de prédilection reste les mi-régimes, comme son aîné W12. Il faut dire qu’avant d’aller chercher les 782 ch, il délivre 1 000 Nm ! Rappelons que le W12 a terminé sa carrière à 750 ch et 1 000 Nm. On se demande pourquoi diable avoir mis au point un nouveau 4 litres, alors que l’ancien offrait déjà 550 ch et que Porsche l’utilise encore ? Pour l’alléger et le rendre plus efficient. Ce V8 se passe par exemple de système de désactivation partielle des cylindres. Tout cela dans le but de l’électrifier pour faire un pied de nez à l’administration européenne et n’avoir aucun malus lié aux rejets (il reste celui lié au poids en France). L’électromoteur de 190 ch et 450 Nm se glisse entre le moteur et la boîte à double embrayage (ZF). Il est alimenté par des batteries de 25,9 Kwh implantées en position centrale arrière pour mieux répartir les masses : 51/49 %. Mais la balance accuse environ 200 kg de plus qu’avec l’ancienne W12 Speed, soit environ 2,5 tonnes pour le coupé et 2,6 tonnes pour le cabriolet commercialisé en même temps.
Glisse autorisée
Heureusement, Bentley parvient à atténuer les méfaits de la folle inertie grâce à une armada dynamique au grand complet : roues arrière directrices (plus d’angle par rapport à avant), barres antiroulis actives, différentiel arrière piloté (retravaillé), pneus Pirelli PZero sur mesure (partenariat capital), transmission intégrale privilégiant l’arrière (+ 20 % par rapport à l’aînée), ressorts pneumatiques à deux chambres et amortisseurs actifs inédits à double valve (ZF) gérant séparément la compression et la détente pour élargir le spectre des réglages.
Tout un programme, que nous découvrons sur le circuit de Castelloli au volant d’un coupé de pré-série (cabriolet disponible également). L’intérieur est bien celui du modèle définitif et varie peu : buses de ventilation, matériaux de la console, mise à jour électronique. Le fameux écran rotatif répond toujours présent. Nous retrouvons la même position de conduite que l’aînée, avec des sièges au maintien latéral ajustable et capables de vous masser tout en attaquant.
L’instructeur calme tout de suite le jeu en imposant des freinages anticipés pour préserver le dispositif carbone/céramique.
En se bouchant les oreilles et en les retardant, ces freins se révèlent à la hauteur, mais le mordant déçoit et l’ABS intervient souvent sur ce tracé bosselé et glissant (poussiéreux). Les pauvres gommes ont du coup tendance à saturer facilement. Au placement, l’effet des roues arrière directrices se ressent et aident bien à pivoter. La masse embarque dans ces conditions, mais la suspension réalise un travail de titan et la réactivé étonne pour ce gabarit, comme le ressenti de la direction (suffisamment informative).
En fait, il suffit de transformer le sous en survirage à l’aide des gaz et le sourire pointe au regard de la dérive autorisée dès le mode Dynamic de l’ESC (remanié). L’aînée était déjà capable de réaliser ce genre de figure, mais les reprises de grip semblent moins brutales. Il n’y a guère que la gestion de boîte qui rappelle le standing de cette GT, en refusant de rétrograder au-dessus de 4 000 tr/mn (comme avant). Bentley a retravaillé cette boîte double embrayage pour supporter davantage de couple, adoucir les manœuvres et adapter la démultiplication.
Bref, ces quelques tours de manège ont permis de constater que le cru 2024 hybride promet de belles avancées en termes de mécanique – volubile et attachante -, de performances avec l’apport de l’électricité (3’’3 de 0 à 100 km/h !) et de dynamisme grâce à son armement finement piloté.
Nous avons hâte de la jauger avec un grip digne de ce nom et sur route ouverte pour évaluer son niveau de confort, crucial pour ce segment. Vous la découvrirez sans son camouflage à partir du 25 juin.
Caractéristiques
Moteurs : V8 4 litres biturbo + 1 électrique,
Puissance/Couple : 782 ch à 6 000 tr/mn, 1 000 Nm de 2 000 à 5 000 tr/mn
Transmission : intégrale, boîte 8 à double embrayage, Différentiel électronique à glissement limité et vectorisation du couple.
Pneumatiques : Pirelli 275/35 ZR22 104Y (avant) and 315/30 ZR22 107Y (arrière)
Suspension : double triangulation aluminium avant, multibras aluminium ar, amortissement pneumatique, 4 roues directrices
Poids : environ 2 500 kg (coupé)
Lxlxh(mm) : 4895 x 2187 x 1397
Empattement (mm) : 2851
0 à 100 : 3″2
0/160 km/h : 6’’9
V-Max : 335 km/h
Batteries : 25,9 kWh
Recharge : 2h45 sur borne rapide
Autonomie électrique : 80 km
Rejets CO2 : 36 g/km
Prix : 300 000 €