L’arrivée au Centre d’essais de Balocco est toujours un bon moment puisque c’est ici que sont nées les premières Giulia Sprint GTA et GTAm conçues par la division course Autodelta dans les années 60 et que l’on y croise nombre de belles autos, anciennes comme modernes, et de prototypes en cours de développement. Les trois exemplaires de GTA et GTAm postées devant le bâtiment historique d’Autodelta en jettent sacrément en robes vert Montréal, blanc Trofeo et rouge GTA. Une Giulia Quadrifoglio affiche déjà une belle présence. Augmentez ses voies avant de 25 mm et arrière de 50 mm et recouvrez-les d’ailes élargies en carbone, collez-lui un aileron, un diffuseur et un splitter eux aussi en carbone, des jantes téléphone de 20 pouces à écrou central, un échappement Akrapovič à double sortie centrale, réduisez la garde au sol, et vous obtenez le top model automobile imparable. Un engin devant lequel on ne peut s’empêcher d’avoir la bouche en O.
La GTAm est conçue pour claquer des chronos, mais pas seulement…
Mais le cadeau n’est pas cadeau, même s’il s’agit d’une production limitée à 500 exemplaires. Partant du principe qu’une Quadrifoglio de 510 ch vaut 88 900 €, en plus de la bouche, on peut aussi avoir l’œil en O lorsqu’on découvre que les GTA et GTAm de seulement 30 ch de plus s’affichent à 171 600 et 176 400 €. Quand bien même la dernière est livrée avec un casque Bell, une combinaison Alpinestars et une housse Goodwool, on tique sur l’étiquette.
Travail de fond
Toutefois, le travail effectué pour faire de la Giulia un engin capable d’aller satisfaire un pilote sur circuit n’est pas seulement cosmétique. Comme le couple ne bouge pas à 600 Nm, on imagine que les 30 ch supplémentaires sont dus à une simple reprogrammation de gestion électronique du V6 2,9 litres biturbo. Mais c’est plus compliqué que cela. En plus de l’échappement titane allégé, le bloc a droit à des bielles spécifiques, un refroidissement amélioré des pistons grâce à deux jets d’huile supplémentaires, un nouveau radiateur d’huile et des turbos tournant plus vite… ce qui paraît énorme pour seulement 30 ch, me direz-vous. Alfa annonce également un allègement maximum de 100 kg (1 580 kg pour la GTAm et 1 605 kg pour la GTA) sans plus de précision. Même si l’on part du principe que l’échappement fait gagner environ 10 kg, les jantes 5 kg et que sur la GTAm, les vitres arrière en polycarbonate, les baquets carbone Sabelt, la suppression des places arrière et des contre-portes allègent encore l’ensemble, il faut considérer que tout cela est compensé par l’ajout d’un arceau et d’un extincteur sans parler des voies élargies et du kit aéro signé Sauber. Bref, ce ne sont pas les lanières remplaçant les poignées de porte intérieures qui vont permettre d’alléger l’ensemble de 100 kg, il faudra donc peser tout ça pour vérifier si le “Allegerita” est aussi conséquent qu’annoncé.
GTA conciliante
Après avoir consciencieusement ignoré le laïus marketing rapprochant tout cela de la Formule 1, je débute une boucle routière dans la GTA. La suspension adaptative à trois niveaux se montre d’emblée extrêmement confortable dans le premier mode de conduite. Comme sur la Quadrifoglio, impossible de configurer individuellement les paramètres, il faut passer par la molette “dna” pour choisir un set-up préétabli parmi a, n, d et Race que l’on peut toutefois modifier grâce au fameux bouton “maranellien” permettant d’assouplir d’un cran la suspension par rapport au réglage de base. Objectivement, ce simple bouton “bumpy road” permet de toujours trouver le bon set-up. Globalement, si la direction paraît plus directe (mais guère plus informative) et le train avant plus carrossé (elle lit un peu la route), ce n’est pas l’intérieur recouvert d’Alcantara qui vous donne la sensation de rouler dans une auto de circuit. Non, en GTA, on reste très proche d’une Quadrifoglio jusqu’au mode “d” où les valves d’échappement commencent à laisser exploser toute la colère du V6 à la belle santé.
La GTA reste très proche d’une Quadrifoglio jusqu’au mode « d » où le V6 laisse exploser sa colère
On peste sur ce limiteur qui étouffe le moteur au lieu de le faire “rupter” ou sur la boîte un peu empruntée dans les rétrogradages mais pas sur la suspension affermie toujours extrêmement confortable. Même si vous osez basculer dans le mode Race qui nettoie les conduits auditifs en permanence, vous serez étonné de voir que votre pulpe reste bien au fond de la bouteille, que ça ne tape jamais et que le maintien de caisse semble malgré cela parfait. En théorie, ce mode Race est réservé à la piste mais c’est le seul moyen de déconnecter l’ESP et de tester enfin la motricité de cette pure propulsion chaussée en Michelin Pilot Sport Cup 2 Connect (non spécifiques) de 285 mm de large à l’arrière.
Arrière sage
Globalement, on retrouve le fonctionnement de la Quadrifoglio avec un poil plus de grip et de moteur, ce qui n’est pas une surprise puisqu’autant la boîte auto à 8 rapports que le différentiel actif (torque vectoring) sont identiques. De fait, on retrouve aussi le côté un peu troublant de ce système qui cherche en permanence à stabiliser l’arrière et qui rend le comportement parfois artificiel ou en tout cas très peu joueur (même dans les épingles), voire castrateur lorsqu’en mode “dynamic”, l’ESP et le torque vectoring s’excitent ensemble pour vous garder sur la bonne ligne. Pourtant, avec une pure propulsion où 600 Nm de couple sont disponibles dès 2 500 tr/mn, je m’attendais à plus remuant. Le parcours imposé totalement inadapté à une berline de 540 ch et 1,6 tonne n’apportera plus aucun enseignement sur les capacités sportives de cet engin si exubérant. La GTAm avec ses baquets et ses harnais, se montre plus expressive mais c’est sans doute dû à l’absence de banquette arrière qui fait caisse de résonance pour le V6 mais aussi pour le grognement incroyable des disques carbone-céramique (390 mm et étriers 6 pistons à l’avant, 360 mm 4 pistons à l’arrière) que les amateurs de circuit connaissent bien. Un petit bout de ligne droite sans trop de trafic permet de tenter un launch control à bord de la GTAm. Mode Race, boîte en Auto, pied gauche sur les freins, accélérateur à fond, l’écran entre les compteurs indique que le mode est activé. Je lâche la pédale de gauche et 20 m de lignes noires apparaissent dans mes rétros. Pas très efficace mais amusant. Étonnamment, le 0 à 100 km/h est annoncé plus rapide dans la GTA que dans la GTAm, 3’’6 contre 3’’8. Renseignements pris, la suppression de la banquette arrière enlève un peu de poids sur la poupe, ce qui nuit à la motricité au départ mais une fois lancée, la GTAm reprend l’avantage ensuite sur le 0-200 km/h (11’’9 pour 12’’) ou sur le 1 000 m (21’’1 contre 21’’3). De retour à Balocco, les trois petits tours de piste alloués sur chacune des versions vont devoir convaincre.
À l’attaque de Balocco
Sur un circuit de 4 km, le gain d’une GTAm par rapport à une Quadrifoglio serait d’environ 3’’ et de 0’’8 sur une GTA. Les plus sceptiques diront que ça nous met la seconde d’amélioration à plus de 29 000 € mais il faut voir les choses différemment. Car, sur circuit, les GTA et GTAm se dévoilent totalement. Ou tout du moins, l’environnement est enfin adapté à leurs capacités. Avec plus de rythme et d’agressivité que sur route, l’Alfa devient plus vivante. Le freinage carbone-céramique ne manque pas de puissance, juste un peu de constance, de mordant (il y a des différences entre les modèles essayés), mais surtout, en appuyant les freinages, on colle mieux le train avant au sol, ce qui avec ce train arrière toujours aussi stable permet d’engager plus efficacement l’auto. Contrairement à d’autres propulsions du même genre, la Giulia ne pivote pas vraiment sur le freinage. Pour se justifier, les ingénieurs Alfa qualifient ce comportement de “typé F1” avant de poursuivre leur laïus sur la prétendue efficacité de l’aérosplitter extensible de 4 cm (4+4 au total) et de l’aileron arrière réglable sur 4 positions, dont les 165 kg d’appui qu’il génère en pointe sont anecdotiques… même si c’est trois fois plus que sur la Quadrifoglio.
Bref, pour ceux qui aiment la fanfreluche et les glisses fumeuses, on est déçu au début, d’autant que le réglage Race du différentiel est trompeusement baptisé “Drift” sur l’écran central. En fait, pour s’amuser autrement qu’avec un chrono, il faut respecter un mode d’emploi particulier. On ne fait décrocher cette poupe collée qu’en étant très généreux sur les gaz, en appui. Cela nécessite beaucoup de confiance car lorsque vous écrasez l’accélérateur, l’inertie moteur engendre d’abord un début de sous-virage qui vous fait naturellement relâcher la pédale pour ne pas tirer tout droit. Sauf que l’instant d’après, ça décroche et l’on peut alors conserver la dérive si l’on ne lâche plus les gaz pour ne pas engendrer de réactions parasites du différentiel. Il fallait avoir la notice.
On enchaîne les tours en repoussant en permanence les limites
Dès lors, je trouve qu’elle offre un caractère plus enjoué et plus sain que la Jaguar XE SV Project 8 à la philosophie proche mais plus exclusive avec son V8 inédit. Au final, on enchaîne les tours en repoussant en permanence les limites. La voiture remue, grogne. On gère les réaccélérations, les inscriptions au volant. C’est du boulot d’aller chercher un temps ! Quand on en a marre, on peut finir les pneus en alignant des virgules jouissives. Et comme elle n’est jamais piégeuse, ce joli cadeau d’Alfa donne le sourire et rend dès lors l’anniversaire plus joyeux. Mission réussie donc.