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Essai

UN ESSAI SIGNÉ OCTANE

Dodge Challenger R/T : Black Ghost

Archives de la famille Qualls, Casey Maxon et Preston Rose
le
Cette Dodge Challenger R/T a hérité de ce sobriquet lorsqu’elle a été achetée neuve par un officier de police qui l’a utilisée dans des courses de rues illégales. Six décennies plus tard, son histoire peut enfin être racontée.
SOMMAIRE

Muscle cars Origins

Si vous étiez jeune dans les États-Unis de la fin des années 60, fou de voitures, rêvant de vitesse et disposant d’un peu d’argent à dépenser, votre idéal automobile était une muscle car. À moins d’avoir été piqué au vif par les pony cars, moins puissantes et initiées par la Ford Mustang, après que Lee Iacocca a découvert qu’il existait une niche du marché pour une voiture locale capable de rivaliser avec les sportives européennes produites par MG, Jaguar, Porsche, Mercedes-Benz ou Alfa Romeo.

Les muscle cars trouvent leur origine dans l’Oldsmobile Rocket 88 de 1949, immortalisée par le pionnier du rock’n’roll, Bill Haley. À la fin des années 60, elles étaient habituellement motorisées par des V8 big block de 350 ch ou plus, et étaient les parfaites montures pour les courses de rues illégales entre deux feux rouges. Puis, les pony cars ont répliqué.

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Chrysler fut le dernier constructeur à rejoindre le mouvement. Fin 1969, prête pour l’année modèle 1970, sa Dodge Challenger (basée sur la plateforme commune Chrysler “E-body”) était la réponse à la Mustang et à la Chevrolet ­Camaro. Elle était disponible sous la forme d’un grand coupé à deux portes ou d’un cabriolet, de 4,8 m de long et 1,93 m de large, caractérisée par un profil en bouteille de Coca-Cola et des ailes arrière rebondies. Surtout, elle était proposée avec un choix de neuf moteurs, allant d’un 6 ­cylindres 3,7 litres à un puissant V8 7,2 litres (440 ci). Elle était initialement proposée en trois séries : la Challenger d’entrée de gamme, la R/T à hautes performances (pour “Road/Track”, route et circuit) et l’édition limitée T/A (“Trans/Am”), assemblée pour homologuer la voiture dans le championnat TransAm du SCCA (Sports Car Club of America). L’équipement optionnel “SE” comprenait une vitre arrière plus petite installée dans un insert en plastique, sous un revêtement de toit en vinyle.

Un propriétaire pas banal

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Notre Challenger R/T a eu un propriétaire particulier, et elle est restée dans la même famille depuis sa sortie de l’usine. Godfrey W. Qualls est né à Nashville, Tennessee, en 1942 et a servi dans la 82e Division aéroportée comme Béret vert et dans les troupes de combat des forces spéciales de l’US Army durant la guerre du Vietnam. À son retour, il s’est engagé dans le département de police de Détroit, où il a servi durant 37 ans. Le 5 décembre 1969, il s’est rendu au 9103 Chalmers Avenue, à Détroit, l’adresse de la concession Dodge des frères Raynal. Il y a récupéré sa Dodge Challenger R/T SE toute neuve, une voiture qu’il conserva le reste de sa vie et dont son fils, Gregory, a hérité.

La maison s’est mise à vibrer : c’est mon père qui démarrait la voiture 

Comme toutes les Challenger, le châssis JS 29-R0B-193271 fut assemblé à l’usine d’Hamtramck, dans le Michigan. La voiture a reçu une peinture noire (code option TX9) avec un intérieur noir (code H5X9) et, en tant que R/T SE, disposait d’équipements qui ont fait monter la facture payée par Qualls à un tarif considérable de 5 272,40 dollars. Celui-ci voulait une voiture très personnalisée, il a commencé par le moteur 426 ci Hemi avec deux carburateurs quadruple corps, associé à une transmission manuelle à 4 rapports et le “Super Track Pack” avec des rapports courts, ainsi qu’une direction assistée. Venaient en plus des pneus F60x15 avec marquages blancs, des sièges baquet en tissu et vinyle, une console, des vitres teintées, des rétroviseurs extérieurs chromés, une sous-couche et un bloc d’isolant sous le capot, des inserts de pare-chocs en caoutchouc, une radio AM/FM avec deux haut-parleurs à l’arrière, une bande blanche “bumble-bee”, l’incroyable toit en vinyle “gator grain” (en noir, code V1G) et des épingles de capot. Qualls avait en tête un objectif précis pour cette voiture, mais ça, peu de gens le savaient.

« J’ai de bons souvenirs de cette voiture », raconte son gardien actuel, Gregory Qualls. « Quand j’avais cinq ou six ans, tout s’est mis à vibrer dans la maison et j’ai demandé à ma mère ce qui se passait. Sa réponse me fait toujours sourire. Elle a simplement dit : “C’est ton père qui démarre la voiture” ! J’ai d’autres souvenirs, comme quand il a conduit sans s’arrêter aller-retour jusqu’en Californie à l’époque où la voiture était presque neuve, pour récupérer des affaires. Soit 8 000 km, à s’arrêter uniquement pour ­ravitailler. La première fois que je suis monté dedans, j’avais 6 ans. Mon père a placé un billet de 100 dollars sur la planche de bord et, alors que j’étais assis à l’avant, il m’a dit que si je pouvais l’attraper, je pourrai le garder. Puis il a écrasé l’accélérateur et nous avons décollé… »

L’héritage

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Mais Godfrey Qualls n’utilisait pas la voiture régulièrement et en 1977, l’année de sa dernière immatriculation, il l’a garée dans le garage familial une dernière fois et l’a laissée là. « Le travail de policier, son service dans la Garde nationale, une femme et une grande famille (nous étions sept !) l’ont détourné d’elle. Mais ce dont je me rappelle bien, comme beaucoup de mes amis d’enfance, c’est de la voiture planquée dans un coin du garage, parmi les autres voitures de la famille, les vélos et les jouets. J’ai causé quelques-unes des rayures de sa carrosserie en passant trop près avec mon vélo. La ­Challenger est devenue une fixation et, en 2014, nous avons discuté avec mon père de l’idée de la redémarrer. Mes frères et sœurs ne s’y intéressaient pas, alors c’est devenu notre truc. Mais on a diagnostiqué un cancer à mon père et alors que je lui rendais visite à l’hôpital, le 20 décembre 2015, il m’a dessiné une carte pour trouver une enveloppe à la maison, à lui rapporter le lendemain. Je n’avais pas la moindre idée de son contenu, et je n’oublierai jamais ce ­moment : il était très malade, mais ses yeux étaient vifs et il était très excité en ouvrant l’enveloppe. Elle contenait les ­papiers de la voiture, qu’il a signés à mon nom. En me la donnant, il s’assurait de son avenir dans la famille. Il est mort le jour de Noël. »

Mais que faire de la voiture ? Elle n’avait pas roulé depuis près de trois décennies. « J’ai laissé passer quelques mois, mais il n’y avait qu’une option : la remettre en route. Lorsque je l’ai remorquée jusqu’à mon garage, le compteur indiquait 73 300 km. Elle était en meilleur état que je ne le pensais, portant toujours ses housses de sièges. J’ai versé un peu d’huile dans les cylindres, avant de faire tourner le moteur à la main quelques jours plus tard : le moteur n’était pas bloqué. Il y avait bien quelques ­durites fendues, un réservoir d’essence rouillé, des caoutchoucs durs, etc. Alors, j’ai vidangé tous les fluides, nettoyés les carburateurs et, avec une alimentation en essence externe, le moteur a démarré après quelques essais. »

Personne n’a jamais suspecté que ce policier avait une deuxième vie comme pilote la nuit

Corriger l’allumage a pris deux jours et réparer les durites d’essence fut une tâche épuisante, puis il a fallu réparer le servofrein et beaucoup d’autres détails. « Puis je me suis mis à la conduire, explique Gregory, d’abord dans mon ­allée, pour tout mettre en température et s’assurer qu’il n’y avait aucune fuite. Puis je me suis mis à m’aventurer plus loin. J’adore la conduire car elle est amusante, mais il faut la respecter. Avec la boîte à 4 rapports et le pont court, si vous écrasez les gaz, elle devient très très rapide et nerveuse alors qu’elle décharge beaucoup de puissance. La procédure de lancement consiste à monter à 3 000 tr/min et à libérer l’embrayage, elle fait cirer les pneus et vous êtes partis. Pour déclencher le second carburateur, il faut appuyer très fort sur la pédale. Ma mère a appris à conduire avec une boîte manuelle sur cette voiture, ce qui est incroyable, mais par sécurité, mon père a déconnecté le deuxième carburateur. Je comprends maintenant pourquoi. »

Un secret bien caché

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Et le passé de cette voiture cache une histoire surprenante. « J’ai toujours adoré les voitures, raconte Gregory, et bien sûr, j’ai toujours été tenté par la vitesse et la course, mais mon père était un peu froid à ce sujet. En 2017, j’exposais la ­Challenger à un événement automobile quand quelqu’un est venu me voir avec une histoire incroyable. “Je connais cette voiture, m’a-t-il dit. C’est une légende. Elle était utilisée à l’époque dans des courses d’accélérations nocturnes.” Mon père dominait ces courses. La voiture a été surnommée “Black Ghost” [fantôme noir] car elle n’apparaissait que quelques mois, puis disparaissait immédiatement après ses victoires. J’étais assez perplexe, le ­département de police où travaillait mon père étant impliqué dans le contrôle de la circulation, il m’était difficile de croire à cette histoire. Jusqu’à ce que mon oncle ­Cleolous ne se confesse ! Mon père et lui n’en avaient ­jamais parlé à personne. Ils ne voulaient pas impressionner mes frères et moi et nous voir faire la même chose. Mais l’histoire était vraie : le jour, mon père était officier de police, et il passait ses nuits à faire des courses de dragsters dans les rues de Détroit. »

Son coin préféré était le quartier commercial entre Woodward et Stecker Avenue, déserté dès que les boutiques fermaient. Il se montrait, participait à une course (qu’il gagnait habituellement) et disparaissait de peur d’être découvert. « Le seul indice de son travail était ­l’autocollant de la Police Officer Association sur la vitre ­arrière. Personne n’a jamais suspecté que ce policier avait une deuxième vie comme pilote la nuit. Peut-être qu’il a mis la voiture de côté parce qu’il commençait à être ­reconnaissable. À la fin des années 80, ou au début des années 90, il l’a mise en vente à 90 000 dollars, mais personne n’en a voulu. C’était un prix incroyablement élevé. » Aujourd’hui, comme le regretté Godfrey Qualls l’aurait ­espéré, l’avenir de sa voiture est assuré. La HVA (Historic Vehicle Association) a listé la voiture sous le numéro 28 dans le National Historic Vehicle Register of the USA (­registre américain des voitures historiques), déposant toute la documentation et l’historique concernant la voiture à la Librairie du Congrès. Et la nouvelle génération de Qualls réclame déjà la voiture : « Mon fils de 13 ans, “Little Gregory”, avait une très bonne relation avec son grand-père et ils ont passé beaucoup de temps ensemble. Il s’intéresse aux voitures, mais n’avait jamais vu la Challenger avant qu’elle n’arrive dans mon garage. Il en est devenu fou et m’a aidé à lui redonner vie. Il vient avec moi aux salons automobiles et a déjà réclamé la voiture pour lui. »

Difficile d’imaginer un meilleur gardien pour la suite de la vie de “Black Ghost”.  

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Fiche technique

Dodge Challenger R/T SE 426 Hemi 1970

Moteur V8 “Street Hemi” 426 ci (6 981 cm3), 1 ACC, 2 carburateurs Carter AFB à 4 corps 
Puissance 425 ch à 5 000 tr/min 
Couple 556 Nm à 4 000 tr/min  Transmission Manuelle à 4 rapports, propulsion 
Direction À vis globique et galet, assistée
Suspensions Av : bras latéraux non parallèles, barres de torsion, amortisseurs télescopiques, barre antiroulis. Ar : pont rigide, ressorts à lames semi-elliptiques asymétriques, amortisseurs télescopiques 
Freins Tambours 
Poids 1 560 kg 
0 à 100 km/h env. 5”8 
Vitesse maxi env. 240 km/h

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