VOILÀ DEUX EXEMPLES D’UNE ESPÈCE AUTOMOBILE RARE QUI DISPARAÎT UN PEU PLUS CHAQUE JOUR QUI PASSE. En plus de partager une architecture de coupé sport, un V8 5,0 litres atmosphérique et une transmission aux roues arrière, elles sont toutes deux vouées à disparaître une fois leur dernière goutte de Sans-Plomb 98 consumée. Ou tout du moins à ne laisser vivre que leur nom. En fait, la Mustang a déjà vu naître son évolution future avec la Mach-E, un SUV 100 % électrique tandis que Lexus a récemment dévoilé un concept de sportive électrique qui devrait se glisser sur le segment de marché de la RC F qu’elle laissera vacant d’ici quelques années.
La Mach 1 versus …
La Mustang de sixième génération, ici en version Mach 1, n’a plus à être présentée, c’est un de nos coupés favoris du fait de sa simplicité de conception entièrement tournée vers la performance. Elle reste relativement abordable pour tous ceux qui aiment les propulsions à moteur avant amusantes et pas “prise de tête”. Contrairement à beaucoup de ses concurrentes, elle ne nécessite pas de lire l’épais manuel d’utilisation (souvent en ligne) avant d’en prendre le volant et de profiter de ses capacités. Capacités qui sont largement supérieures à ce qui est nécessaire pour une utilisation sur route mais que vous pourriez utiliser à plein sur un éventuel trackday. Avec ses 460 ch, son différentiel à glissement limité, sa boîte manuelle et un châssis calibré pour être aussi divertissant que vous le souhaitez, la Mustang rend le frisson automobile aussi accessible que possible pour un engin tout de même très éloigné d’une Caterham Seven, référence en la matière. Il faudrait être un coeur de pierre pour ne pas apprécier les charmes et le caractère de la sportive la plus vendue au monde (plus de 80 000 ex. en 2020). Dans un monde de moteurs suralimentés, de transmissions intégrales, de boîtes double embrayage, de coupés dérivés de berlines et de breaks généralistes, la Mustang a toujours représenté une alternative appétissante.
… la RC F
La Lexus RC F est très loin d’égaler le succès commercial de la Ford mais l’approche japonaise du concept de propulsion à gros V8 avant a aussi ses partisans, dont nous. Lexus n’a vendu que 7 000 RC F en Europe depuis son lancement en 2015 mais sa rareté accentue son pouvoir de séduction car sept ans après son lancement, elle reste aussi unique et spéciale aux yeux de ceux qui la voient passer. C’est toujours une belle pièce de design automobile avec son nez proéminent associé à une paire d’ailes arrière bombées. Toute la carrosserie en aluminium semble étirée à chaque coin et aucune once de gras ne transparaît sous cette robe tendue. En comparaison, la Mustang semble plus pataude et donne la sensation d’une certaine lourdeur visuelle. Pourtant, les deux rivalisent sur la balance, la Ford étant à peine plus légère, ou moins lourde, avec 1 754 kg contre 1 765 kg pour la Lexus. Cette dernière possède un empattement supérieur de seulement 10 mm à 2 370 mm tandis que sa répartition du poids de 55/45 est également très proche de celle de la Mach 1 (54/46). Sous le capot, la RC F propose désormais 464 ch (les normes ont fait baisser sa puissance de 477 à 464 ch il y a quelques années), ce qui porte son rapport poids/puissance au niveau de celui de la Mach 1 (3,80 contre 3,81 kg/ch).
Certes, un océan sépare leur lieu de conception mais ces deux-là pourraient être deux soeurs d’une mère différente.
Start your engines
La tonalité du V8 de la RC F sonne clair au démarrage et au ralenti. La densité de sa bande-son reste dans la tête, l’échappement grogne derrière vos épaules tandis que le V8 pulse gentiment à l’avant avec une tonalité qui rappelle un peu les V8 BMW de la fin des années 90. L’effet se poursuit lorsque vous écrasez l’accélérateur, l’aiguille du compte-tours balaie le cadran central analogique entouré d’écrans TFT, le son emplit l’habitacle avec une clarté qui rivalise avec la qualité audio de la sono Mark Levinson. La Lexus compense son manque de punch (on n’est pas au niveau des V8 AMG et BMW) par une vraie finesse d’ingénierie qui transparaît de sa mécanique. Grimpez à bord de la Ford et l’ambiance est plus bourrue, c’est plus éruptif et sanglant en comparaison. Son V8 Coyote sonore et fier a repris quelques éléments internes de la Mustang GT350 comme le collecteur d’admission. Il ne laisse pas de place au doute quant à son origine US. Au ralenti, il émet le son rauque que l’on attend d’un muscle car et à pleine charge, c’est le même topo. Toutefois, comparées à la Lexus, ses réactions sont moins vives, moins riches en nuances mais certainement pas moins efficaces. Sur une portion de route, les rapports plus courts de la boîte auto Aisin huit rapports de la RC F vous laissent deux options : rester sur le mode automatique ou faire entrer vos doigts dans la partie. Mais sachez que ce n’est qu’avec cette deuxième option que vous pourrez tirer le meilleur parti de la Lexus et passer les rapports au moment qui vous semble le plus opportun. Les rétrogradages se montrent aussi beaucoup plus rapides en mode Manuel. En mode auto, la calibration n’est pas parfaite lorsque vous ralentissez à l’abord d’un virage et que vous vous retrouvez sur un rapport supérieur à celui que vous espériez. Mieux vaut donc opérer vous-même.
Bref, on peut se demander pourquoi ils proposent un mode Auto dans une telle sportive si, manuellement, vous passez les rapports plus rapidement ? Une fois encore, la boîte manuelle Tremec six rapports de la Ford est plus légère mais offre le dilemme opposé. Elle est moins rapide, demande pas mal de poigne et n’aime pas être rudoyée, par conséquent, lorsqu’on passe à l’attaque, il arrive régulièrement que l’on reste sur le rapport supérieur pour rouler sur le couple plutôt que perdre du temps à changer de vitesse. Eh oui, paradoxalement et même ironiquement, le résultat est que vous conduisez une Mustang à boîte manuelle un peu comme une automatique.
À l’intérieur, l’une comme l’autre n’inspirent rien de particulier. La RC F utilise des matériaux plus valorisants, offre une meilleure ergonomie (on est assis trop haut dans la Mustang) et se trouve être la meilleure des deux pour effectuer de longs trajets. Elle a un petit côté GT. Elles ne se conduisent pas de la même façon non plus.
Sur route
Sur route, la RC F réclame de la précision avec un train avant qui réagit aux impulsions nettes et vous amène à la corde sans surprise, le nez suivant la trajectoire choisie. En fait, tant que vous n’avez pas vraiment forcé sur ce train avant et découvert qu’ainsi il communique mieux, vous trouvez que la direction manque de ressenti. Reste qu’au final, on aimerait qu’elle communique plus tôt et à des vitesses plus basses. Si vous être trop gourmand en entrée de courbe, les pneus avant commencent inévitablement à glisser et vous rappellent qu’un gros V8 repose juste au-dessus et qu’elle demande un peu plus de douceur et de soin lors des changements de direction. Comme toute auto à moteur atmosphérique, la Lexus offre une accélération linéaire sans pic et sans débordement de couple à endiguer lorsque vous reprenez les gaz. À la place, elle se cale sur ses hanches et vous propulse hors de la courbe. Oui, ses concurrentes allemandes sont beaucoup plus explosives et brutales mais la Lexus n’est pas moins efficace même si, comme la Ford, l’absence de suralimentation signifie qu’assez rapidement, la masse semble étouffer la puissance disponible. La Lexus reste malgré tout bourrée d’énergie mais pas comme un chien fou qui tire sur sa laisse. Non, elle est toujours en alerte, prête à réagir que ce soit en mode Sport, Sport+ ou Track. L’absence de différentiel à glissement limité et la présence d’un système torque vectoring à trois modes (Standard, Slalom et Track) signifient que la RC F n’est pas aussi naturellement joueuse que ce que l’on attend d’une propulsion à moteur V8. Elle se montre plus nuancée, plus calme et plus posée que la Mustang. A contrario, on perçoit tout de suite que la Ford veut être rudoyée. En fait, c’est ainsi que vous en tirerez le meilleur. La confiance venant, le comportement se montre plus fluide, plus agile que ce que sa carrure imposante et son poids laissaient imaginer. Quand la RC F apprécie que l’on soit doux sur le freinage, la Mustang répond mieux lorsque vous tapez fort et tard sur la pédale du milieu. Cela transfère le poids sur les roues avant et permet de la forcer à pointer le nez vers la corde, avant de reprendre les gaz pour une sortie qu’il faut savoir gérer au volant et à la pédale. Pour amener la Mustang à la limite, il faut s’employer soi-même.
La Lexus se montre plus calme et plus posée que la Mustang qui, a contrario, demande à être rudoyée
Les deux proposent un amortissement assez ferme qui n’a que peu d’impact sur leur capacité à maintenir leurs quatre pneus en contact avec le sol. La RC F est mieux tenue alors que la Mustang a tendance à plonger et cabrer ou à se caler en appui après un léger rebond. Elle réclame vraiment de l’engagement car, sans cela, elle semble mal gérer les contraintes. Même si cela peut paraître brutal, la Ford se montrera plus intuitive lorsqu’on la bouscule. C’est très différent dans la Lexus, plus sérieuse et plus précise. Aucune n’est à son aise sur circuit mais aucune n’est totalement embarrassée non plus. Leur façon de se comporter sur la piste est similaire à leur caractère sur route. Les deux manquent de vivacité dans les virages lents, du fait d’un poids trop important qui oblige aussi à patienter avant de pouvoir reprendre les gaz. Dans le rapide, la Lexus continue de réclamer de la précision et du calme afin de pouvoir tracer des trajectoires au cordeau, son torque vectoring modulant la puissance aussi vite que nécessaire, la suspension la plus ferme réglée en mode Track contrôlant sa masse. Ses freins Brembo sont costauds mais il ne faut guère de temps pour que votre subconscient ne vous pousse à freiner 50 m plus tôt pour éviter un rallongement de la course de la pédale. C’est la Ford qui hausse le plus son niveau de jeu lorsque la vitesse augmente. Là où la RC F atteint rapidement ses limites, la Mustang répond parfaitement lorsque vous lui en demandez encore plus. Il faut dépasser sa fenêtre de fonctionnement “souple” pour découvrir une machine plus précise à l’agilité inattendue dans les changements de direction. Une fois que vous êtes en confiance avec la Mach 1 à des vitesses élevées, elle rivalise alors avec la Lexus en matière de précision.