Les géants allemands redoublent d’ingéniosité pour transformer de gentilles compactes en GT. Audi et AMG parviennent à rendre survireuses des tractions muées en intégrale. De la sorcellerie, venant d’un certain différentiel vectoriel ! BMW ne rétorque pas directement (la Série 1 s’en tient à 306 ch), mais envisage la compacité et la polyvalence au travers d’un coupé, dans la plus pure tradition maison. Sauf que désormais, il impose la transmission intégrale à ce niveau de gamme, tout en gardant à l’œil les saveurs de la propulsion pour ne pas choquer les aficionados.
La RS3 débarque armée jusqu’aux pneus : un second jeu de jantes avec des Trofeo R optionnels occupe tout l’espace arrière et va permettre de jauger le gain face aux P Zero de série (voir encadré). Cette Sportback en met plein la vue (tricorps également disponible) entre la couleur, le masque de Dark Vador et les ailes élargies (fausses écopes à l’avant). L’A 45 S a beau s’habiller de rouge, elle ne fait pas le poids et semble commune à ses côtés. Dire qu’elle paraissait osée à son lancement en 2019, avec sa calandre coupe frites Panamericana inaugurée par l’AMG GT-R ! Le coupé Série 2 a l’air sage de prime abord et bien proportionné : longs capot et empattement, toit fuyant. Puis l’œil est agressé par des détails qui alourdissent l’ensemble : minuscules phares, bossage du capot, petits élargisseurs d’ailes, feux tridimensionnels. La simplicité caractéristique des coupés maison en prend un coup.
On la retrouve à bord, contrairement aux adversaires du jour qui misent sur les éléments clinquants. Elles ont le mérite d’être plus accueillantes à l’arrière, alors que le coupé s’en tient à deux passagers de moins d’1,75 m. Incompréhensible, au regard du gabarit en nette hausse par rapport à l’aîné : + 10 cm en longueur (dont 5 cm d’empattement), + 6,5 cm en largeur… À son volant, haut perché, on prend vite conscience que la petite BM’ a forci. Logique, elle est basée sur la plateforme CLAR (acier) partagée avec les Série 3 et 4… dont les mensurations ont explosé ! L’empattement est tout de même réduit de 12 cm comparé au coupé Série 4, mais nous verrons que cela ne suffit pas à redonner le sourire à la balance.
Sur la route : victoire BMW
BMW a longtemps été pointé du doigt pour la fermeté de ses suspensions, aggravée par les châssis sport optionnels. Il prend une belle revanche depuis une dizaine d’années et franchit un cap sur ce segment. De série, il chouchoute les occupants avec des amortisseurs à butées hydrauliques : en détente à l’avant et en compression à l’arrière. Comme le reste de la bande, notre 240i recourt à un amortissement piloté optionnel, vivement recommandé pour accroître la polyvalence. Elle décroche même la victoire grâce à son filtrage de suspension davantage typé GT. Couplés à une bonne insonorisation, ces réglages soft en font la meilleure compagne au quotidien et sur longs trajets. Les maxi GTI se débrouillent pas mal non plus.
Les compressions sont plus raides et le niveau sonore plus élevé sur autoroute : bruits aéros pour la RS3, ronron mécanique pour l’A 45. Naturellement, les pneus Trofeo R augmentent les bruits de roulement et le guidonnage, sans excès. Ils possèdent toutefois cette faculté de connecter à la chaussée et confèrent à la RS3 un accent GTI très agréable sur petites routes (sur le sec). À la base, avec les pneus de série, les retours d’informations se valent à bord de l’A 45 et de la RS3 : suffisants et non abondants, assortis d’un excès de franchise côté Mercedes. Et la M240i dans tout ça ? L’assistance électrique renvoie suffisamment de signaux, mais la consistance oscille entre légèreté en Comfort et lourdeur en Sport+. Finalement, c’est la RS3 qui propose la mise en effort la plus linéaire du lot.
S’il y a un point sur lequel le trio se rejoint, c’est le grip. Aucun problème, leur copieuse puissance passe au sol sans encombre. Elles facilitent la vie et épatent par leur docilité. De bonnes pâtes, qui jouissent d’une monte pneumatique idéale (P Zero et Pilot Sport 4S) et de leur transmission intégrale. Leur fonctionnement diffère. Les tractions devenues intégrales (RS3 et A45) utilisent un différentiel magique à l’arrière, capable de répartir le couple entre les essieux et les roues arrière de manière vectorielle, grâce à un embrayage par demi-arbre. L’objectif ? Contrecarrer le sous-virage et même drifter, en envoyant une majorité du couple sur l’arrière. La BMW M Performance sort du lot par son équilibre qu’il suffit d’aider au gaz dans le transitoire pour qu’il devienne survireur. Ouf, l’honneur est sauf, malgré le xDrive imposé ! Il se compose d’un embrayage multidisque piloté, qui réveille l’avant uniquement en cas de besoin. Tout s’explique. Il travaille de concert avec un autobloquant arrière actif, 100 % variable de série.
Moteur/boîte : victoire Audi
Sous les capots trônent trois mécaniques de caractère (qui délivrent exactement le même couple maxi !). A commencer par le plus sensationnel 4 pattes au monde ! AMG a retourné le bloc 2 litres bi-injection et l’a totalement remanié pour en extraire un rendement vertigineux : 211 ch/l. Le turbo Borg Warner comprime jusqu’à 2,1 bars. La sonorité est amplifiée via les haut-parleurs et le remix, “légèrement” exagéré en Race, débouche les tympans. Le turbo sonne la charge à 3 000 tr/mn et la poussée, bien digne d’une GT, ne faiblit pas jusqu’au rupteur, qui saute au visage à 7 200 tr/mn. Vous vous attendiez peut-être à ce que l’immuable 6 cylindres en ligne emporte facilement la manche ? Cette configuration M Performance n’est pas assez expansive et hargneuse dans les tours. Elle provient des Série 3/4 et dispose des technologies dernier cri : pièces en mouvement allégées, injection directe à 350 bars, turbo à double entrée avec échangeur intégré au collecteur d’admission, distribution entièrement variable et échappement M Sport de série.
Cela fait un bien fou de retrouver le timbre métallique maison, mais il reste sur la réserve. On apprécie surtout le répondant et le velouté émanant de ce 3 litres, qui donne le meilleur de lui-même entre 2 500 et 6 500 tr/mn. Finalement, c’est le 5 cylindres qui tire son épingle du jeu en combinant le meilleur des mondes : poigne, montées en régime, volubilité, singularité. Le 2,5 litres turbo a peu évolué depuis l’ancienne génération. Il délivre toujours 400 ch, mais sur une plage élargie et le couple gagne 2 mkg. Le turbo, soufflant jusqu’à 1,5 bar, se fait bien sentir à 3 500 tr/mn et maintient la pression jusqu’à 7 000 tr/mn. Le 5 cylindres se montre si à l’aise dans les tours qu’il en mériterait davantage. La poussée s’avère aussi prenante que le grognement, reconnaissable entre mille (lié à l’ordre l’allumage) et amplifié à bord via un résonateur à l’admission. Il est secondé ici par l’échappement Sport RS optionnel (canules noires), moins pétaradant et fanfaronnant que son homologue AMG. Cette juste dose de musique traditionnelle et de trempe rend ce 5 cylindres très attachant.
Toutes ces mécaniques font une croix sur la boîte manuelle. La Série 2 sort du lot par son convertisseur et a foi, comme bon nombre de BMW, en la ZF à 8 rapports (Steptronic Sport). Il faut louer sa rapidité d’exécution, augmentant dans les modes sportifs (assortis d’à-coups croissants). Mais le mode auto ne suit pas la cadence sur circuit et, en manuel, les premiers rapports courts nécessitent d’évoluer sur le rapport supérieur : 3e dans le pif-paf ou à l’épingle. Heureusement, le 6 cylindres a du répondant. La boîte AMG partage cette problématique, avec ses 6 premiers rapports courts (sur 8). Mais la double embrayage Getrag réagit avec davantage de niaque et fait son maximum en Drive Race. Dans les modes sportifs, des à-coups et des pétarades viennent s’ajouter à la folle ambiance mécanique. En piste, on a toutefois du mal à obtenir le bon rapport, en auto ou manuel où le long rupteur menace.
La RS3 toise la concurrence en embarquant la boîte la plus obéissante et engageante… mais qui est loin d’avoir le panache d’une PDK Porsche. La double embrayage S-tronic à 7 rapports rétrograde juste à temps en RS Performance (Drive ou manuel). Elle a plus tendance à préserver le 5 cylindres qu’à le mener à la baguette. Elle cache évidemment une fonction centrale dans la course aux performances : le launch control, partagé avec ses ennemies du jour.
Performances : victoire Audi
Audi survole les débats et l’outsider BMW (moins puissant) talonne le pétard AMG. Incroyable, d’autant que la balance prend peur face au coupé de 4,53 m : 1 740 kg ! Nous avions mesuré la M4 Competition propulsion à 1 717 kg. Comment est-ce possible ? Il mesure 26 cm de moins et fait quelques efforts : capot, ailes et éléments de suspension en alu. Il pèse ainsi un quintal de plus que la RS3, mesurée à 1 612 kg avec les pleins.
Finalement, ce n’est donc pas l’A 45 la plus légère du lot, malgré son 4 cylindres : 1 655 kg. Pire encore, c’est elle qui supporte le plus poids sur l’avant : 1 013 kg, contre 942 kg pour l’Audi et 921 kg pour la BM’. Cette dernière reste la reine de l’équilibre, qui s’éloigne toutefois du sacro-saint 50/50 % avec 53 % du poids sur l’avant. Comme ses ennemies, elle incite le conducteur à jouer les metteurs au point et raffole des modes de conduites ajustant les amortisseurs, la direction, le moteur, la boîte ou l’ESP. Qui dit mieux ? L’A 45 permet aussi d’affiner la transmission intégrale (mode Drift en cliquant sur les palettes), le son indépendamment du moteur et les combinaisons d’aides à la conduite (AMG Dynamic). Quant à la RS3, elle offre autant de réglages mais simplifie les choses concernant les aides. Bref, mieux vaut rester zen et étudier tout cela à tête reposée. Généralement, les procédures de départs canon sont faciles à dégoter.
C’est le cas pour la M240i, qui réclame le mode Sport+ et de basculer la boîte ainsi que l’ESP en Sport. Le régime se cale à 2 500 tr/mn et le lourd coupé décolle sans la moindre latence. Seulement + 0’’1 le sépare de l’A 45 S à 100 km/h et au bout de 1 000 m. Pourtant, la mise à feu à 3 000 tr/mn est nettement plus spectaculaire dans le clan AMG, après avoir déconnecté l’ESP et tourné la molette sur Race. Les accélérations sont dignes d’un 718 Cayman GT4 et la poussée semble inépuisable. Hulk partage cette force herculéenne et va encore plus loin en matière de performances. Mode RS Performance enclenché, ESP écarté, le super-héros oscille autour de 4 000 tr/mn avant d’être catapulté sans une once d’hésitation avec les Trofeo R aux pattes.
Les accélérations de la RS3 s'alignent sur celles de la Corvette C8 Stingray. L'allusion aux GT n'est pas vaine.
Les chiffres laissent pantois : 3’’7 de 0 à 100 km/h, 21’’7 aux 1 000 m. Ce sont exactement ceux réalisés par la C8 Stingray (482 ch). L’allusion aux GT n’est pas vaine. L’entrée de gamme RS accélère aussi fort qu’une F-Type R, une SLS AMG ou une 991 Carrera S ! Imaginez la tête des propriétaires en sortie de péage… Les relances risquent aussi de les décontenancer en cas de dépassement, puisque la pitchounette RS se contente de 5’’8 pour passer de 80 à 150 km/h. Les ennemies du jour restent dans ses pare-chocs : 5’’7 pour l’Étoile filante et 5’’9 pour le gentleman à l’hélice. Bon, en vitesse maxi, ces Allemandes doivent à la base faire amende honorable et respecter l’accord entre les constructeurs locaux sur les 250 km/h. C’est le cas de BMW, mais AMG relève d’office la bride à 270 km/h tandis qu’Audi Sport recourt aux options pour décrocher 280, voire 290 km/h. À quand “Mach 3” en compacte ? Le trio peut se permettre de fanfaronner en alignant de telles performances.
Sur la piste : victoire Audi
La plus à l’aise dans l’exercice se nomme RS3, chaussée de Trofeo R (voir encadré). Facile ? Certes, mais Audi est le seul à proposer ces “quasi-slicks” en option et optimise le châssis en ce sens. Le résultat est spectaculaire : la RS3 devient la compacte la plus rapide sur le Club (1’21’’83) et tourne aussi fort qu’une AMG GTS. En se cantonnant aux pneus de série, les P Zero dédiés changent la donne. Ces gommes délivrent un grip inférieur aux Michelin Pilot Sport 4S concurrents. Ainsi parée, la RS3 devient mobile et fun, en pivotant dès le placement aux freins et en survirant facilement. Le chrono ne le voit pas de cet œil et la sanctionne, en la rejetant en 3e position : 1’24’’97. Soyons clairs, si la RS3 n’avait pas eu de semi-slicks, elle n’aurait pas remporté cette manche.
L’ennemie jurée A 45 s’en sort mieux. Le train avant se montre plus vif. Le grip est exceptionnel, entre les pneus et la transmission intégrale. Mais le différentiel vectoriel n’est pas au meilleur de sa forme et aide peu à pivoter. Pour retrouver de l’angle en sortie, il faut déclencher le mode Drift, alors que le modèle testé en 2020 remuait simplement en coupant l’ESP. La Mercedes signe un excellent 1’23’’38, au nez et à la barbe du papillon SLS ou d’une M2.
Face à de tels chronos, la lourde Série 2 typée GT a de quoi complexer. Erreur, elle cache bien son jeu et est pleine de ressources. À commencer par un bel équilibre, qui minimise le sous-virage en entrée. Puis il faut contraindre l’arrière à se mouvoir sous peine d’être embarqué par le poids dans le transitoire. Comment ? En étant incisif au volant et en appuyant le freinage dégressif, avant de reprendre les gaz très tôt. La M240i peut aussi compter sur une excellente motricité : solide train arrière, réglages soft de suspension, pneus Michelin, autobloquant piloté et transmission intégrale. Le xDrive prouve ici son attachement à la propulsion et laisse même partir à la dérive en sortie. « On retrouve un bon équilibre BM’, un bel effet propulsion !
Le 6 cylindres est onctueux. Elle est bien tenue en suspension, elle fait petite M8. Il est possible de descendre sous les 1’24’’. Les pneus font fusibles et sont vite morts. » Ah, les méfaits du poids… Il n’empêche, la M240i signe un bon 1’24’’29, un temps de RS4, juste devant une A110 ou un coupé C 63 S AMG. De bon augure pour la future M2, attendue en fin d’année. À la surprise générale, au regard de la masse, les freins encaissent mieux le choc que les pneus. Le système acier manque juste de mordant mais se révèle costaud. L’attaque à la pédale séduit davantage chez les ennemies du jour, à égalité sur ce point alors que notre RS3 cache un coûteux dispositif carbone/céramique (5 850 €). Rappelons qu’il concerne seulement l’essieu avant et qu’Audi ose le mixer avec de petits disques à étrier flottant à l’arrière (comme la concurrence).