Essai

UN ESSAI SIGNÉ EVO

Citroën C4 WRC : Dans les traces du patron

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La C4 WRC est l’une des plus formidables autos de rallye de tous les temps et cet exemplaire était piloté par le maître incontesté du rallye mondial. C’est maintenant à notre tour d’en prendre le volant.
SOMMAIRE

Nous sommes dans les airs. Je ressens dans le cockpit cette sensation familière de sérénité lorsqu’on échappe à la gravité. Les liens qui nous attachent férocement à la Terre ont été brisés.

Nous sommes toujours dans les airs.

En fait, nous volons depuis si longtemps que je m’attends presque à entendre une voix annoncer : « Bienvenue sur Citroën Airways, en vue de notre proche atterrissage nous vous invitons à regagner vos sièges et à attacher votre ceinture. Les portes et issues doivent rester dégagées de tout bagage… »

Et puis les roues touchent le sol. Les ressorts et ma colonne vertébrale se compriment. La cacophonie reprend. Le pied gauche prend les freins. L’auto plonge dans un gauche qui donne sur une épingle. L’immense levier du frein à main hydraulique est tiré sans urgence. Le calme revient pour quelques instants, le temps que l’auto pivote avec ses roues arrière bloquées… puis une accélération touffue précédée du son de l’anti-lag projette la C4 vers l’avant.

C’était il y a 13 ans. J’étais alors le passager admiratif de rien moins que Sébastien Loeb, l’auteur de cette chorégraphie sublime et de ce pilotage assuré. Des entrées en courbe rapides et sûres. Une vitesse de passage en courbe époustouflante. L’expérience d’une vie.

Et aujourd’hui, me voilà devant l’outil du Maître. À moi d’en faire bonne utilisation.

Une C4 à palmares

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Cette C4 date de 2008, l’année de mon “vol” avec Sébastien Loeb mais il ne s’agit pas de la même auto. C’était alors une C4 de test tandis que celle-ci est le châssis n° 14 qui a remporté pas moins de quatre rallyes grâce à l’équipage Loeb-Elena. La première victoire eut lieu au Monte-Carlo avec une livrée majoritairement rouge. La deuxième eut pour cadre la terre de Sardaigne avant qu’elle soit reconditionnée pour le goudron pour aller remporter le rallye d’Allemagne. C’est la spécification dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. En 2008, elle a aussi remporté le rallye de Grande-Bretagne avant de basculer dans le Citroën Junior Team en 2009 et d’être utilisée par un autre champion du monde, en l’occurrence Kimi Räikkönen en 2010. Le Finlandais la mettra d’ailleurs sur le toit dans la 7e spéciale du rallye du Mexique. Elle continuera à courir chez des privés en France (en Corse notamment), en Belgique ou en Italie jusqu’en 2019.

« J’aurais aimé l’avoir dans sa livrée du Monte-Carlo », m’avoue le toujours souriant Max Girardo, nouveau propriétaire de l’auto. « Mais la livrée Red Bull qui est apparue à mi-saison est franchement plus cool. »

Bien qu’elle ait couru sur des épreuves goudron et terre, la C4 fait sensation avec sa posture au ras du sol, ses grosses roues et ses gros freins. Citroën développait ses autos en premier lieu pour le goudron avant de les adapter pour la terre. On connaît le résultat, ça marchait plutôt bien. L’auto était bonne sur les épreuves terre mais, dans les mains de Loeb, elle était quasiment imbattable sur le goudron. Durant sa carrière qui s’est étendue sur 4 ans de 2007 à 2010, la C4 a gagné sur toutes les surfaces du championnat WRC. Peu de voitures de rallyes ont été aussi dominatrices.

À bord

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Aujourd’hui, à l’abri de la pluie dans un hangar, elle est plus belle que jamais. Sa ligne est si claire, si effilée. Oui, il y a cet énorme aileron arrière mais il semble tellement mieux intégré que sur la plupart des autres WRC. De nos jours, on ne reconnaît plus le modèle de série qui a servi de base aux WRC mais celle-ci semble être identique à un modèle en concession. Jusqu’à ce que vous ouvriez la porte. À l’intérieur, vous trouvez une paire de sièges tellement reculés par rapport au tableau de bord que ça en est comique. Ils sont quasiment au milieu de l’auto. Glissez-vous à travers l’arceau-cage et la colonne de direction, votre popotin chute alors au fond d’un baquet Recaro très profond. Il fait sombre à l’intérieur, un épais bandeau autocollant couvre le haut du pare-brise tandis que les vitres teintées miroir atténuent une bonne partie de la lumière sur les côtés. Devant vous, vous trouvez un volant banalement rond parsemé de boutons colorés et d’interrupteurs comme sur un prototype de supercar moderne. Juste derrière, un petit arc de carbone situé entre 1h et 5h sert à changer de vitesse. Poussez-le avec l’arrière de votre main droite pour rétrograder, tirez-le vers vous pour les monter. Simple. Si vous voulez utiliser le frein à main, il est placé à votre portée et facilement repérable grâce au ruban jaune fluo sur sa poignée.

Le tableau de bord est étonnamment vide. On trouve simplement un petit écran de la taille d’une carte à jouer qui affiche le rapport engagé, quelques leds pour les passages de rapports et quelques alertes. Le reste des informations apparaît sur un écran situé plus bas sur le tunnel de transmission et dirigé vers le siège du copilote. On découvre à côté une petite forêt d’interrupteurs mystérieux.

Peu de voitures de course ont autant dominé leur sujet

La plupart d’entre eux ne seront pas utilisés aujourd’hui mais pour démarrer, je dois presser le bouton blanc pour mettre en service les systèmes électriques et activer l’écran principal qui s’illumine sur un écran Windows puis un logo GEMS avant d’afficher la première des quinze pages d’informations disponibles. Daniel Elena se devait d’être sacrément vif pour gérer tout ça. Ce n’est qu’une fois que l’écran est allumé que je peux mettre le contact. Il faut attendre cinq secondes de plus avant de pouvoir presser le petit bouton rouge à gauche pour lancer le moteur. Toute cette attente due à la longue procédure amplifie la façon dont la tranquillité du lieu est subitement et violemment brisée par l’explosion du 4 cylindres 2,0 litres qui prend vie.

Avec une petite sportive de route, vous entendez clairement le bruit qui provient du moteur à l’avant et de l’échappement à l’arrière mais au centre, c’est relativement tranquille. Réveillez la C4 WRC et dans ce cas, c’est l’ensemble de l’auto, du bouclier avant jusqu’au bouclier arrière, qui semble vibrer, hurler et grogner. Elle paraît agitée et en colère avec son ralenti qui monte et descend, comme si elle cherchait un réconfort mécanique. Harnaché solidement dans le baquet, les vibrations et le bruit vous enveloppent, vous êtes au centre d’une mini-tempête très localisée. Entre les picotements dans la colonne vertébrale et votre rythme cardiaque qui s’accélère, c’est déjà une sacrée expérience à vivre. Ça l’est encore plus quand vous savez qu’il va falloir apprivoiser la bête.

Faut y aller maintenant

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Porter un casque réduit un peu le volume sonore, ce qui aide à la concentration. Normalement, je devrais entendre un crissement aigu lorsque l’on branche l’intercom puis la voix rassurante d’un copilote mais aujourd’hui, je suis seul à bord. Max Girardo se penche simplement à ma porte avec un sourire radieux sur le visage pour me dire de bien profiter des deux modes moteur ainsi que du frein à main hydraulique.

Enfoncer la petite pédale d’embrayage demande un peu de force puis il faut presser le bouton à l’arrière de la palette et la tirer vers soi pour engager la première dans un clonk sonore. Voici le moment où il ne faut pas caler. Mon expérience me dit que la moindre pression sur l’accélérateur va générer assez de bruit pour me faire penser que j’ai poussé le moteur dans la zone rouge alors qu’en fait j’ai à peine dépassé le régime de ralenti. Il faut donc mettre plus d’accélérateur et faire plus de bruit que ce que l’on imagine puis essayer de garder suffisamment de régime sur les quelques millimètres où l’embrayage commence à accrocher. Une fois parti, je bascule dans le mode arcade en plaçant mon pied gauche sur la pédale de frein.

Ai-je précisé qu’il pleut ? Les jantes O.Z sont chaussées de l’équivalent en rallye des pneus slicks et alors que je m’engage dans la forêt pour la première fois, je sens des vibrations au moment d’entrer dans la première courbe. Nous sommes sur un spot d’essais privés utilisant les routes d’une base militaire désaffectée. Cela n’a rien d’un circuit car on y trouve des changements de revêtement, des tapis de feuilles détrempés et des pierres dans les cordes. Oui, pas de vibreurs blancs et rouges mais de beaux gros blocs de pierre capables de vous casser une jante, voire une suspension. Bref, une belle imitation de spéciale de rallye.

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En accélérant à la corde d’un virage, la combinaison des plus de 580 Nm de couple et des rapports courts fait que les roues patinent même dans la ligne droite pendant que vous montez les rapports. La C4 reste étonnamment stable mais on la sent tout de même labourer le bitume. Cela ne se calme que lorsque vous passez de la quatrième à la cinquième et que le régime tombe clairement. Mais me voilà de nouveau sur les freins, tombant en rafale les rapports pour ralentir l’auto avant le lent double droite qui s’annonce. On réalise assez vite qu’elle se conduit sur le couple et que l’on attaque chaque virage un rapport trop haut. Il arrive parfois que l’on ne soit pas sur le bon rapport car la palette est si légère et si sensible que par inadvertance, on clique deux fois.

La suspension se montre ferme pour une auto de rallye, le roulis est remarquablement limité et ça vire à plat comme une Supertourisme convertie au rallye. Même lors des premiers kilomètres pendant lesquels je chauffe les pneus et tente de prendre mes marques, le grip que cette C4 déniche est absolument étourdissant. Dès mon troisième passage, je passe déjà à fond de cinq un droite à l’aveugle parsemé de feuilles mortes. La C4 y gigote légèrement avant que le tracé ne se rétrécisse à la largeur d’une voiture et que le paysage flou qui file dans les vitres latérales se rapproche soudainement.

La suspension est ferme, le roulis est remarquablement limité, ça vire à plat comme une Supertourisme

Il faut ensuite écraser les freins même si appliquer la bonne pression est un exercice délicat dans ces conditions. C’est la même chose avec le grip latéral dans les virages lents, la limite arrive brutalement et la direction ne donne que peu d’indications sur le travail des pneumatiques. Bref, en partie parce que c’est le baquet taillé au gabarit de Loeb mais aussi parce que ça me paraît nécessaire, je resserre mes harnais. Il y va du sentiment de sécurité mais aussi du besoin de ne faire qu’un avec la voiture. Si la direction ne me donne pas d’informations, il faut que je les prenne ailleurs.

L’équilibre de base semble privilégier un peu de sous-virage à la limite, ce qui est sans doute l’option la plus confortable sur cette base d’essai. À l’époque, les WRC pouvaient être équipées d’un différentiel central piloté. La molette en haut à droite du volant permet de modifier ses réglages et après quelques tests, j’en conclus que 4 (ou 5) m’offre le comportement le plus naturel.

L’auto de Sébastien Loeb

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C’est une auto avec laquelle il faut passer du temps. Il faut comprendre toute l’ingénierie qu’elle abrite car c’est elle qui vous dicte la façon dont elle doit être pilotée. Il faut également connaître précisément et instinctivement ses limites au lieu d’essayer de les ressentir ou de chercher à jouer avec. Après quelques kilomètres je commence à utiliser le frein à main hydraulique, ce qui vous propulse dans un autre monde en matière de virages serrés. Il est étonnant de voir à quel point il est facile de faire pivoter l’auto mais bien avant de se sentir flamboyant, le seul fait d’exécuter les choses correctement et efficacement vous satisfait pleinement. Comme vous le feriez dans une traction, vous rentrez en courbe sur l’élan avant de bloquer les roues arrière au frein à main pour faire pivoter la voiture dès le début du virage. De cette façon, dès que vous relâchez le levier, vous remettez les gaz et sentez les 4 roues motrices vous tirer droit devant au lieu d’élargir la dérive. Si vous faites tout bien (ce qui ne m’arrive que très occasionnellement), vous n’avez jamais besoin de contre-braquer.

La C4 WRC est absolument fascinante, mais ce que Loeb parvenait à en tirer est selon moi encore plus étourdissant.

Plus on entre fort dans les virages, plus elle se révèle et plus je réalise que c’est une auto conçue pour épouser le style de pilotage de Sébastien Loeb. C’est l’auto de rallye la plus sérieuse, la plus verrouillée au sol et la plus impitoyablement rapide que j’aie jamais conduite. La plupart présentent une certaine souplesse, un peu plus de débattement et un peu plus de progressivité dans leurs réactions. En comparaison, la C4 semble guidée par laser.

Chanceux jusqu’au bout, j’ai eu l’occasion de l’essayer également sur le sec lors du Festival Of Speed de Goodwood. Le virage au frein à main au sommet de la côte fut parfait, le démarrage a été plus laborieux avant de dévorer la montée en toute sérénité. L’adhérence qu’elle génère sur le sec dépasse l’entendement. J’ai senti les pneus arriver à bonne température à la moitié du parcours et je suis certain de ne jamais avoir attaqué le pif paf longeant le mur de pierres avec autant de confiance.

Dans les jours qui suivirent, je me suis pris à imaginer combien ce devait être impressionnant de piloter une telle auto sur un vrai rallye. Du fait de sa précision, elle doit tout défoncer mais pour la conduire à la limite sur une spéciale comme le col du Turini, pour utiliser toute son adhérence à travers les vignes allemandes, c’est tout sauf facile. Même mes deux tours en passager en 2008 me paraissent encore plus remarquables à la lumière de cet essai. 

Remerciements à Girardo & Co.

Retrouvez-les sur Instagram @girardoandco

Fiche technique

Citroën C4 WRC

Moteur 4 cyl., 1 998 cm3, turbo
Puissance 320 ch à 5 500 tr/mn
Couple 583 Nm à 2 750 tr/mn
Poids 1 230 kg (3,84 kg/ch)
0-100 km/h n/c
V-Max n/c

En conclusion

La C4 WRC est absolument fascinante, mais ce que Loeb parvenait à en tirer est selon moi encore plus étourdissant.

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