Même si le comportement de la nouvelle Vantage a marqué une avancée par rapport à la précédente génération, personne n’a jamais osé affirmer que la petite Aston était devenue une référence en matière de dynamisme. Pas même les Anglais, c’est dire. Si elle peut faire illusion sur le sec grâce à des pneumatiques de qualité, sur le mouillé, piloter une Vantage peut vite devenir compliqué. J’ai souvenir d’une édition de la Sportive Motorsport un brin humide où la Vantage avait du mal à motricer rien qu’en effectuant des demi-tours pour un shooting photo sur la piste de Magny-Cours. Pendant l’essai de la version boîte manuelle sous une belle drache germanique, même constat, il fallait un œuf sous le pied pour sortir des ronds-points le volant droit à 1 500 tr/mn en quatrième. Mais le plus préoccupant était selon moi que, sur le sec, cette Vantage au V8 sonore et performant peinait sur le bosselé et n’offrait aucune sensation de vitesse, ce qui pour une sportive censée informer son pilote sur le grip à disposition et sur sa vitesse réelle de déplacement me paraissait au minimum regrettable voire carrément dangereux sur route où la différence entre bien juger un point de freinage avant une courbe et se tromper de 20 m parce qu’on n’a pas le sentiment de rouler vite se traduit rarement par un moment de bonheur. Le fait est qu’AMG vend uniquement son moteur à Aston Martin, pas ses compétences en matière de mise au point châssis, et qu’une Vantage était loin d’avoir les qualités d’une AMG GT.
Safety car
Oui, mais voilà, la récente série spéciale Vantage F1 Edition est le premier modèle développé sous le capitanat du nouveau PDG d’Aston Tobias Moers qui est, pour ceux qui ne le savent déjà, un ingénieur de talent et surtout l’ancien patron de Mercedes-AMG. Le bonhomme sait comment faire fonctionner un coupé sport à V8 AMG avant puisque, outre la One en cours de finalisation, son dernier projet pour AMG fut la GT Black Series. Son arrivée n’est effectivement pas sans effet comme je m’en rends compte après moins de 10 km parcourus au volant de ce Roadster. Pourquoi un Roadster ? Étant donné qu’aucune session circuit n’était prévue, je me suis dit que par beau temps, rouler dans la version décapotable d’une auto que je savais perfectible en coupé me permettrait de mettre clairement en lumière les défauts que des pneus hautes performances généralement utilisés pour ces séries spéciales pourraient masquer.
Mais, première surprise : des pneus hautes performances, il n’y en a point ! Non, on trouve de “simples” Pirelli P Zero (quand même spécifiques) et rien de plus.
Tobias Moers a en effet inscrit dans le cahier des charges que les objectifs de performances assignés à cette édition spéciale, en l’occurrence un tour du Ring en 7’30, soit 15’’ plus vite que la version de base, devaient être réalisés sans l’aide de pneus “circuit”, ce qui sera bénéfique pour l’acheteur qui l’utilisera sur route mais qui peut paraître étonnant pour une auto badgée F1 Edition. En fait, cette appellation que l’on pourrait d’abord croire un brin marketing fait suite au rachat du constructeur par Lawrence Stroll, également propriétaire de l’écurie de F1 Racing Point. C’est donc logiquement qu’il rebaptisa l’équipe Aston Martin et que le plan de communication global fit en sorte que les produits de la marque soient visibles sur les courses. Pour cela, Aston Martin choisit de fournir aux organisateurs une Medical Car (un DBX) et un Safety Car (une Vantage) en alternance avec les AMG C 63 S et GT que l’on voit depuis des années sur les Grands Prix. Mais contenir un peloton de Formule Un devant des millions de téléspectateurs ne se fait pas à la légère et Moers en était conscient. Comme il était conscient que les Vantage étaient loin du compte.
<blockquote>Le boss d’Aston Martin vient de chez AMG. Et ça se voit au volant </blockquote>
Bref, ce Safety Car qui servit de base pour la série spéciale essayée aujourd’hui va donc être développé avec soin et les défauts de la petite Aston gommés autant que possible. J’en veux pour preuve la colonne de direction renforcée à sa base, la rigidité du berceau avant améliorée pour plus de précision à l’inscription et la refonte complète de l’amortissement avant et arrière ainsi que de l’antiroulis et des liaisons des bras supérieurs pour un meilleur contrôle de caisse et surtout une meilleure motricité sur le bosselé sans pour autant sacrifier le confort. Les roues spécifiques à cette série spéciale grimpent pour la première fois de 20 à 21 pouces, là aussi pour offrir plus de ressenti et donc plus de confiance au conducteur.
Enfin un châssis à la hauteur !
Tout cela s’accompagne d’un kit aérodynamique qui, s’il n’a rien de très esthétique sur ce roadster, a le mérite d’apporter 200 kg d’appui (quand la version standard n’en offre que quelques dizaines à l’arrière) et surtout d’améliorer l’équilibre aérodynamique global. Autre modification d’importance, la boîte automatique ZF toujours installée sur l’essieu arrière qui ajoutait artificiellement quelques à-coups retrouve un passage lissé de ses 8 rapports pour plus de rapidité tandis que les refus lors des rétrogradages ont été largement réduits.
Tout ceci mis bout à bout fait qu’on se retrouve au volant d’une auto plus naturellement sportive.
Dès que l’on hausse le rythme et que l’on augmente l’appui, on ne ressent plus ce flou caractéristique de la version standard. On fait tout de suite corps avec l’auto. Toutes les pièces du puzzle semblent enfin parfaitement en place. La Vantage réagit à vos injonctions tel que vous l’imaginez, tel que vous le désirez et cela change tout. Dans ce tableau, le gain de 25 ch (de 510 à 535 ch) est anecdotique, tandis que le pic de couple inchangé de 69,8 mkg s’étale sur une plus longue plage et ne déstabilise plus autant l’auto, ce qui là aussi fait disparaître chez le conducteur une grosse dose d’anxiété notamment lors des remises de gaz.
On pourrait penser à la lumière de tout cela que le résultat est bluffant, mais en fait c’est plus subtil car finalement, on se retrouve simplement au volant d’une bonne auto qu’il est désormais possible de… piloter. La confiance dans ses réactions et dans les informations qu’elle vous donne sur l’état du grip à disposition (malgré une direction loin d’égaler les meilleures du genre) vous autorise inconsciemment à élever le rythme et à jouer avec son équilibre à des vitesses beaucoup plus élevées qu’auparavant. Vous n’êtes plus perturbé par des réactions parasites exagérées ou par un manque de sensations, vous savez comment va réagir cette Vantage F1 Edition au point de l’emmener sereinement à la limite du grip, voire au-delà, et donc de prendre du plaisir à son volant. Le propriétaire de Vantage qui était jusque-là heureux en regardant sa belle auto, en l’écoutant glouglouter au ralenti ou en poussant une accélération en ligne droite, pourra découvrir un nouveau type de satisfaction. Le poids conséquent du Roadster (1 645 kg à sec) n’en fait certes pas une 911 GT3 mais la Vantage est enfin devenue une bonne auto et il y a fort à parier que les réglages de cette F1 Edition deviennent très rapidement la norme dans la gamme.
Quant à nous, cette agréable découverte nous rend maintenant impatients de tester sur circuit le Coupé, plus léger de 75 kg, afin de mesurer concrètement toutes ces améliorations.