Une F40 affichant 88 000 km ce n’est pas courant, et lorsqu’elle passe les portes d’un atelier, c’est le moment idéal pour en savoir plus sur la fiabilité de la légendaire supercar Ferrari.
Cette F40, vous la connaissez peut-être : son propriétaire s’appelle Guillaume et il lui a dédié un compte Instagram, @noncatnonadjust, où l’on peut suivre leur aventure commune au fur et à mesure que les kilomètres défilent par milliers sur son compteur. Ou, comme Guillaume, vous l’avez découverte sur une photo désormais célèbre sur les réseaux sociaux, où on voyait son ancien propriétaire, cheveux gris et pantalons rouges, en train de farfouiller sous son capot, à même un trottoir parisien.
La licorne absolue
« Pour moi la F40 est la licorne absolue, nous explique Guillaume, dont je rêvais depuis des années : j’avais 3 ans lorsqu’elle est sortie. Quand elles étaient au plus bas de leur valeur j’étais trop jeune et devant la montée des prix en 2020, j’ai un peu perdu espoir. Je suis un peu gêné par l’aspect voiture de collection et placement spéculatif de ces autos. Beaucoup sont des pièces de musée très peu kilométrées dont les propriétaires profitent peu. Ce que je voulais, c’était pouvoir en acheter une avec laquelle je pourrais rouler beaucoup, alors un exemplaire kilométré ne me gênait pas. Mais visiblement, ce sont ceux que les gens gardent, car il y a moins de transactions sur ces voitures. »
Ce n’est qu’à la troisième occasion que Guillaume sautera le pas pour cet exemplaire : « J’en ai entendu parler pour la première fois en 2019, puis une deuxième, mais le prix ne me convenait pas. J’en avais parlé avec Gonzague Ruchaud d’Eleven Cars qui m’a appelé un jour d’octobre 2020 pour me dire que cette fois elle était entre les mains d’un marchand qu’il connaissait. J’ai réussi à l’avoir dans mon budget, dans une année compliquée à cause du confinement, où beaucoup de gens ont franchi le pas pour réaliser leurs rêves. ».
85000 km au compteur
Lorsqu’il la récupère le 31 décembre 2020, la F40 totalisait 85 000 km, visiblement accumulés lors de nombreux allers-retours entre Aix-en-Provence et Paris par son précédent propriétaire, qui en était le deuxième. Mais bloqué à l’étranger, Guillaume n’en profita pas avant mai 2021, date à laquelle décida de partir pour un long voyage de plusieurs milliers de kilomètres entre Paris, la Loire, la Charente, la Bretagne et la Normandie. « J’étais un peu intimidé par la voiture, son aura… Je me disais que je devais faire attention à ne pas la casser, mais c’est une voiture étonnamment facile à prendre en main tant que l’on est raisonnable. Elle est presque polyvalente »
Mais ce voyage est aussi l’occasion de découvrir un problème sur le moteur qui souffre de coupures intempestives passé les 5 500 tr/min. « J’ai décidé de l’emmener chez Dino Sport, où Simon Chevallier s’occupait déjà de ma F355. J’avais apprécié leur démarche et le niveau de communication et de transparence, avec beaucoup de photos. »
Simon lui conseille de lancer dans un diagnostic avant de lancer des travaux lourds. « Nous aimons travailler au fur et à mesure, sans mauvaises surprises pour le client avec les coûts », raconte Simon qui officie au garage avec son père, Dino. « S’il y a une panne, on veut la trouver, avant de s’occuper du reste. Ici, nous avons commencé à prendre les compressions qui étaient correctes. Nous avons repris tous les réglages de base, en partant de zéro et avons découvert que de nouveaux capteurs de phase en bout d’arbres à cames avaient été installés sans réglages, visiblement par quelqu’un qui ne savait pas faire : ces capteurs doivent être réglés d’une façon précise, en deux temps, avec un jeu de cales. Ce que nous avons fait aux références du manuel d’atelier Ferrari. Et maintenant le moteur prend 8 500 tr/min sur tous les rapports ! »
Contraintes de voiture de course
Et comment le moteur de la F40 a-t-il encaissé cet usage intensif ? « On n’a jamais vu de F40 aussi kilométrée, poursuit Dino, mais entretenu correctement, il s’use de façon homogène. Après tout, c’est « presque » un moteur de 348 ! C’est une voiture qui pourra rouler encore des milliers de kilomètres sans problème. À 100 000 km, il faudra tout de même déposer la mécanique pour la refaire entièrement, notamment les soupapes à remplacer pour éviter qu’elles ne cassent et la segmentation à changer. C’est une mécanique qui a des contraintes de voiture de course et la réfection complète d’un moteur de F40 est une opération qui est facturée entre 40 000 et 50 000 euros, une somme à mettre en perspective avec la valeur de l’auto… »
On n’a jamais vu de F40 aussi kilométrée, poursuit Dino, mais entretenu correctement, il s’use de façon homogène
Y a-t-il des choses à surveiller sur une F40 ? « Les turbos essentiellement. Il y a eu des accidents avec des flexibles d’essence qui lâchent… Leur étanchéité est à contrôler, même si ici, ils ont déjà été révisés, et leur graissage est primordial. Sur les premières séries, ils étaient montés sur des bagues et ensuite sur des roulements, ce qui est beaucoup plus fiable. Les bagues prennent du jeu et les turbines finissent par lâcher. C’est une modification que nous faisons et que nous recommandons aux propriétaires des premières voitures. » Parmi les autres points, Dino et Simon évoquent la fiabilisation du circuit de refroidissement, la révision de l’alternateur et du démarreur et la délicatesse de la timonerie de boîte.
La Mille Miglia en F40
« Sur l’auto de Guillaume, il faudra bientôt changer tous les silentblocs, mais ce n’est pas urgent. Nous ferons ça l’hiver prochain, quand la voiture ne sera pas utilisée. Elle ne va pas tomber en panne pour ça, il peut rouler sereinement d’ici là ! »
Reparti au volant de sa F40, une semaine après l’avoir laissée au garage, Guillaume peut tranquillement s’attaquer à la Mille Miglia qu’il a décidé de suivre avec sa voiture. De quoi ajouter quelques milliers de kilomètres à son compteur, qui le rapprochent un peu plus de son objectif : « J’aime beaucoup le Nürburgring où je vais rouler régulièrement. J’aimerais bien cumuler mes deux passions et passer le cap des 100 000 km de la F40 sur ce circuit ».
Une belle aventure qu’Enzo ne manquera pas de vous narrer… « Mais attention, nous prévient Guillaume, il me reste encore 11 000 km d’ici là, et même avec la Mille Miglia, je ne pense pas que ce sera avant l’été 2023, voire 2024. » Rendez-vous est pris !